Scènes

10ème Tremplin Jazz d’Avignon

Intrigues et passions dans la cité des papes.


Créée en 1992 par quelques passionnés, l’association Tremplin Jazz d’Avignon suit de près l’actualité du jazz et témoigne de la richesse du tissu associatif dans la Cité des Papes, (avec l’AJMI qui assure une programmation de grande qualité tous les jeudis soir à La Manutention). Soutenue par les collectivités locales, des partenaires privés efficaces et par le travail toujours considérable des bénévoles, sous la houlette du Président Michel Eymenier et du Secrétaire général René Sacchelli, Tremplin Jazz fêtait ses dix ans d’existence cet été. L’association avait vu les choses en grand pour cette édition très spéciale. Aux Avignonnais retrouvant enfin leur cité, juste après le festival de théâtre, était proposée une semaine de concerts avec les soirées du concours mais aussi, des concerts plus prestigieux dans la Cour d’honneur du Palais des Papes.

Comme le Concours National de Jazz de La Défense, Tremplin Jazz d’ Avignon
est un espace d’expression des jeunes musiciens français. Chaque année,
des formations issues de tout l’hexagone tentent leur chance avant la finale,
au Cloître des Carmes, où s’affrontent des groupes européens
et le finaliste français. Car, depuis l’an dernier, cette manifestation
a une dimension européenne. Ainsi ce concours permet à la jeune
scène du jazz français et européen de s’affronter amicalement
à Avignon, ville de festivals, déclarée depuis l’an dernier
« capitale européenne de la Culture ».

La présidence du jury, cette année, était confiée
à Gérard De Haro, l’ingénieur-son bien connu du studio
La Buissonne à Pernes les Fontaines. Quant aux autres membres du jury,
ils font partie du monde du jazz : des journalistes de la presse professionnelle
(Pascal Anquetil de l’Irma, Franck Bergerot de Jazzman, Philippe Méziat
de Jazz Magazine ), des représentants des labels Warner et Sketch, et des musiciens
(Jef Gilson et Giovanni Mirabassi). Le jeune pianiste italien fut le soliste
vainqueur d’une édition précédente des Tremplins et il
revenait, heureux de participer à cette dixième édition.

Le jury a consacré sans hésitation le groupe finnois Aleksi Tuomarila
Quartet, qui comporte au moins deux belges dans l’équipe ! Quant au meilleur
soliste, il est norvégien, c’est le saxophoniste ténor Jorgen
Munkeby. Le jazz souffle fort de Septentrion…Et s’inspire de la tradition
en la faisant vivre intelligemment . La preuve en est le moment d’émotion
offert par la rythmique du groupe lauréat, qui se joignit spontanément
à Giovanni Mirabassi, à la fin du concours, pour une relecture
sensible de « My funny Valentine » et " One day my prince will
come ".

La veille, pour la finale franco-française, de très bons groupes
étaient aussi en compétition, et le choix fut plus délicat,
d’ailleurs contesté par le public : si le quartet d’Antoine Daurès
de Chatenay-Malabry l’a emporté, la décision du jury fut bien
délicate entre Monk o’ Marok, Eric Teruel Trio, Memorial Barbecue, où
joue notre ami le tromboniste Seb Llado des Spice’bones, Dr Knock Quintet, lauréat cette année
à la Défense, où figure Jean-Philippe Morel, autre membre
des Spice’bones. Ces groupes, aux projets fort divers, illustrent des tendances
plus contrastées de la scène française actuelle qui flirte
souvent de façon affirmée entre jazz et musiques actuelles.

Aux concerts du concours se succédèrent les soirées Cour
d’ Honneur dont la dernière marqua le couronnement du Tremplin 2001.
Pour le quatre août, nuit de l’abolition des privilèges et anniversaire
de la naissance de Louis Armstrong ( tout le monde s’accorde sur cette date
à présent, encore que le 4 juillet soit plus symbolique pour les
Américains), le Caratini Jazz Ensemble rendait hommage, à sa manière,
au trompettiste, un des premiers véritables solistes de l’histoire du
jazz . Sur des compositions et arrangements spécifiques, le contrebassiste
Patrice Caratini donnait à ses compagnons, parmi les meilleurs solistes
du moment ( Denis Leloup au trombone, François Thuillier au tuba, le
jeune guitariste David Chevallier du trio Tous Dehors ou le ténor Rémy
Sciutto ) l’occasion de revisiter les thèmes anciens à la façon
d’un Mingus. Une lecture du jazz jamais à l’improviste ! L’orchestre
joua en particulier sept variations sur la chanson de Darling Nellie Gray, créée
en 1937 par Armstrong et les Mills Brothers. Décidément l’avenir
est dans les big bands, ces grandes formations aux largesses mélodiques
qui échangent avec bonheur entre pupitres. L’ horizon personnel de Patrice
Caratini est à prendre en compte dans le paysage français des
orchestres, sans oublier par exemple, les autres projets très différents
de Claude Barthélémy, Laurent Cugny ou de Claude Tchamitchian
avec le grand Lousadzak.

Pour finir, après ce big band de rêve, un sacré concentré
de talents avec le quartet Portal Sclavis Humair Chevillon qui a vaillamment
résisté au mistral, très actif lui aussi. Le public a apprécié
les facéties de Louis Sclavis, visiblement peu impressionné de
jouer dans ce lieu mythique, sur une scène immense balayée par
le vent qui emportait régulièrement ses partitions mal épinglées.
Bruno Chevillon était très attentif à jouer avec ses copains
de toujours dans sa région, alors que Daniel Humair plus impassible,
observait la paire unique de clarinettistes ! Avec ces musiciens magnifiques
qui illustrent le jazz actuel français au mieux de sa forme et dans tous
ses états, se terminait cette version très réussie du dixième
Tremplin Jazz d’Avignon.