Entretien

25 nuances de Léandre

Entretiens avec les compagnons de route de Joëlle Léandre à l’occasion des 40 ans de carrière scénique de la boss de la basse.

Photo : Frank Bigotte

En quarante ans de carrière, Joëlle Léandre a croisé du monde. Beaucoup de monde. Du monde entier. Des musiciens bien sûr, mais aussi des organisateurs de festivals, des activistes de labels… Des pairs, des élèves, des légendes et d’autres à venir. Le monde de la musique en quelque sorte. Celle qui a des choses à dire et qui se fout bien des étiquettes, celle qui brûle les planches et s’engouffre dans des taxis. La rédaction a rencontré bon nombre de ses compagnons de route et leur a demandé une chose simple : « Racontez-nous Joëlle Léandre ».

Gigantesque livre d’or, illustré par les photographes de Citizen Jazz.


Cliquez sur le nom pour lire le témoignage

Noël Akchoté - Guillaume Aknine - Elise Caron - Valentin Ceccaldi - Bruno Chevillon - Médéric Collignon - Pascal Contet - Vincent Courtois - Elise Dabrowski - Benoît Delbecq - Benjamin Duboc - Jean-Brice Godet - Alexandra Grimal - François Houle - Hélène Labarrière - Daunik Lazro - Gianni Lenoci - Armand Meignan - Nicole Mitchell - Philippe Ochem - Barre Phillips - Jean Rochard - Bernard Santacruz - Claude Tchamitchian - Serge Teyssot-Gay


Barre Phillips

Barre Phillips © Michel laborde

Tracing [1]

Trace your trail ma chère -
Alone but together.
Wiggle in ; wiggle out.
Your big sound wid dat bogen
Ouff - Oh my Gawd !
Love it -
Love you -
Forty ?
There’s still hope !

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Elise Caron

Elise Caron © Michel Laborde

Avant de rencontrer Joëlle, j’étais impressionnée et dans mes petits souliers, je trouvais sans la connaître qu’elle avait l’air sévère… il s’est avéré que sur scène nous nous sommes amusées comme des gamines dans une cour de récréation, et que cela ne s’est pas démenti depuis. On peut même dire que ça s’est aggravé…

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Benoît Delbecq

Benoit Delbecq © Michael Parque

C’était au Musée de la Vieille Charité à Marseille, en 1989 ou 90. Joëlle en duo avec la tant regrettée Annick Nozati. Annick, je l’avais vue à la Sphère, la salle de concert de l’IACP d’Alan Silva où j’étais élève, vers 1983. Elle m’avait complètement chamboulé – et là, elles étaient toutes les deux ! Ce fut sans aucun doute l’un des plus beaux concerts de musique improvisée auxquels j’ai pu assister et d’ailleurs, c’était bien au-delà du concert. A un moment, Joëlle a glissé sur le marbre (exprès ? La pique qui dérape ?), a récupéré sa basse de justesse, l’a finalement posée au sol. Commença alors un rituel de mise à mort de la contrebasse, avec Joëlle et Annick chantant toutes deux une sorte de Requiem païen. L’archet qui se rapprochait au ralenti de la basse était le glaive qui allait la châtier (de lui avoir fait perdre l’équilibre ?). Tout ça sur, disons, 20 ou 25 minutes ! C’était bouleversant ! De ces concerts qui changent la vie. Avec les copains de Kartet, Guillaume Orti, Hubert Dupont et Benjamin Henocq ,on en est ressorti complètement envoûtés. Voilà. Avec Joëlle, la musique se pointe comme ça, à l’aventure, ça cherche, ça trouve des pépites, et sa basse sonne toujours belle et vive. Encore beaucoup d’années, Joëlle !

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Gianni Lenoci

Gianni Lenoci © Giuseppe Menga

Acrostic for Joelle [2]
Joyful
Order of
Equations
Liquid
Lambda of
Expression

Living
Ecstatic
Anthologies
Now you
Dominate
Rays of
Energy

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Jean-Brice Godet

Jean-Brice Godet © Christian Taillemite

Passons les histoires de taxi…
Ma première collaboration avec Joëlle fut pour un ciné-concert autour des films de Georges Méliès, à l’Arsenal de Metz.
Le dispositif scénique est le suivant : au milieu et presque à l’avant-scène, l’écran sur lequel on projette les films. Les trois musiciens sont à « Cour », derrière un rideau de tulle un peu en arrière-scène. Joëlle a écrit pour l’occasion une sorte de tautogramme autour du nom Méliès (Magicien, Merveilleux…). Elle décide de le lire à la toute fin du spectacle en se plaçant devant l’écran, pendant que nous terminons de jouer sa musique. Joëlle prévient l’équipe technique un peu au dernier moment et nous ne répétons pas ce passage avec les lumières définitives.
Le soir de la création, le dernier film se termine, Joëlle passe devant l’écran (noir, de fait) et se rend compte que les seules lumières qui lui permettent de lire son texte sont les rasants qui éclairent le sol. Et là, comme si tout avait été prévu, elle se met à quatre pattes, pose sa feuille par terre et scande sa prose !
Standing ovation, évidemment !

Sa première réaction en sortant de scène, alors que des gens viennent pour la féliciter : « Nom de Dieu, mais je voyais rien du tout ; c’est pas possible, ça ! »

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Jean Rochard

J’ai rencontré Joëlle alors qu’elle avait tout juste 30 ans. Il y avait une sorte de petit vent qui portait pas mal de gens et d’idées à ce moment-là… le Dunois, Chantenay-Villedieu étaient pour moi les endroits les plus intimement situés sur ma carte. Ce qui me plait dans la musique, ce n’est pas le style, mais ce qui s’imprime dans la mémoire : une mélodie, un son, une violence, une sensualité, une rupture, un baiser. Le son (le son !) de Joëlle m’a immédiatement impressionné par cette sorte de différence qui ouvrait l’espace. Je l’ai invitée pour le projet Instant Replay de Lol Coxhill avec un duo enregistré en public à la Bibliothèque d’Argenteuil en mai 82. Lol était conquis. En septembre de la même année, elle se trouvait dans une soirée assez vertigineuse avec de nombreux musiciens (et musiciennes) au festival de Chantenay-Villedieu. Il subsiste un extrait enregistré d’un trio avec Lol et Tony Coe (toujours dans Instant Replay). Joëlle est devenue une des régulières de Chantenay, comme elle le fut aussi très vite à Dunois.
Lorsque je pense à Joëlle à cette époque-là, je pense immédiatement aussi à Annick Nozati. Toutes les deux semblaient porteuses d’une certaine renaissance du désir, une antidote au découragement, quelque chose qui avait l’air de s’envoler tout le temps, une forme de lyrisme confiant, de force exaltée, de lumière douce aussi, de pied de nez aux ténèbres en plastiquant les cadres avec de grands éclats de rire.
Le temps de faire un album avec Joëlle était venu. Ce fut Les Douze Sons enregistré en 1983. À l’occasion de sa réédition le 12 septembre 2011 pour les 60 ans de la contrebassiste, j’ai perçu ce qui dépassait désormais les circonstances d’origine dans cet album, une forme de marqueur qui a du chien.
Et puisque votre question suggérait de citer une anecdote, je terminerai avec celle qui concerne la couverture des Douze Sons. Nous nous étions réunis avec Pierre Cornuel (illustrateur-maquettiste) et Joëlle, et nous avions pensé à faire une photo noir et blanc, coloriée à la main, en bas de l’escalier de l’Opéra Garnier. Jean-Marc Birraux allait faire cette photographie. Joëlle porterait des habits de dame comme ceux de celles qui venaient à l’Opéra lors de sa création. Grande robe, voilette, gants résille etc. J’avais demandé l’autorisation à la direction de l’Opéra qui fut donnée sans trop de problèmes.
Le jour de la photographie, Joëlle descendait du taxi avec sa chienne Biscotte (que l’on peut entendre dans le disque répondant à George Lewis). À peine arrivée, la chienne s’échappait et allait perturber une répétition. Un type est venu s’en plaindre. On s’est excusé. Mais il ne voulait pas que la chienne reste là.
Pendant l’habillage de Joëlle (assuré par des copines), comme celle-ci insistait pour la présence de Biscotte sur la photo, je crapahutais dans les étages m’adressant à différents responsables qui me conduisaient de bureau en bureau, implorant l’autorisation d’avoir Biscotte au pied de l’escalier le temps de la séance. Lorsque je tombais enfin dans ce qui semblait être le bon office, la personne me recevant passa un coup de fil et après avoir raccroché m’a dit fermement : « je regrette, la direction est formelle : pas de chien à l’Opéra ».
 [3]

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Valentin Ceccaldi

Valentin Ceccaldi © Emmanuelle Vial

Dans une salle de bain de Touraine, un soir de Janvier 2015…

La balle rebondit contre le goal et revient immédiatement dans les pieds de l’attaquant central.
Contrôle.
L’attaquant passe la balle à son coéquipier de droite qui échoue lamentablement à réceptionner la passe.
Les bleus perdent la balle.
Contrôle.
Boulet de canon du défenseur au maillot rouge.
Contrôle.
La balle est dans les pieds de l’ailier gauche rouge.
Silence

Grand silence

Il tire….

CLAC !!

La partie est finie, Joëlle vient de marquer le but de la victoire.

Ceci est le compte rendu du dernier but du match mythique de Baby-foot opposant Joëlle Léandre et Jean-Luc Cappozzo (équipe rouge) à Guillaume Aknine et moi-même (équipe bleue).

C’est aussi ça, Joëlle Léandre !

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Daunik Lazro

Daunik Lazro @ Christian Taillemite

Ce qu’il y a de sidérant avec Joëlle Léandre, depuis près de 40 ans que je la connais, c’est le poids, je veux dire l’importance qu’elle a acquise et qui paraît aujourd’hui exponentielle. Elle est beaucoup plus qu’incontournable, probablement la musicienne française (vivante, et ô combien) la plus connue mondialement, la plus célébrée. Je vais être méchant : en comparaison, nos vedettes nationales du jazz ont à l’étranger une importance négligeable. Sans doute parce que d’excellents pianistes, saxophonistes, guitaristes, ou chefs d’orchestre, il y en a dans tous les pays. Mais qu’il n’existe qu’une contrebassiste avec ce tempérament/ce génie/cette niaque/cette invraisemblable créativité (au choix). Bravo l’artiste.

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Benjamin Duboc

Benjamin Duboc @ Christian Taillemite

Quand on me dit « Joelle Léandre » je pense d’abord à … ma mère ! Eh oui, nous sommes, ma mère, elle et moi, originaires d’Aix-en-Provence. Elle est une figure dans la région et bien sur une figure de la musique tout court. J’ai donc d’abord écouté ses disques puis j’ai entendu parler de son caractère, de sa personnalité. Nous avons travaillé avec les mêmes musiciens (dont Jean-Luc Cappozzo, qui l’appelle toujours « La Joëlle »), et, un jour, nous nous sommes retrouvés ensemble sur scène. Un duo, dans un prieuré. C’était une rencontre « amoureuse » entre nous et nos deux basses. Là, les aprioris, les doutes, tout a volé en éclats. Le concert a, paraît-il, fait couler les larmes de l’organisatrice. Un grand moment pour moi aussi. Depuis, on se croise souvent, nous sommes devenus amis, elle m’encourage, on échange. On avait eu cette idée de former un duo qui s’appellerait… « The Aix » !

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Pascal Contet

Joëlle Léandre Pascal Contet © Christophe Charpenel

J’ai d’abord découvert Joëlle dans la presse via un article lu au tout début des années 1980. Elle y évoquait son rapport à la musique, son travail, avec ce courage et cette implication qu’on lui connaît. Plus que séduit, j’ai été captivé par ses mots. Quelques années plus tard, je suis allé à sa rencontre (il était question qu’elle m’écrive une pièce pour un festival). J’étais impressionné, bien sûr, mais je ne me suis pas démonté. On a joué ensemble.
Elle a dit « Mais enfin, Pascal, pourquoi veux-tu que je t’écrive une pièce ? On n’a qu’à jouer en duo ! ». Raphael De Vivo, du Festival Les Musiques, était là et a aussitôt décidé de nous programmer ! Le duo était né.
C’était il y a plus de 20 ans. Il est toujours , et pour cause : notre relation va au-delà du musical. On est là l’un pour l’autre. Joëlle a été là, pour moi, lors de moments difficiles. C’est rare dans ce métier de pouvoir compter sur une telle relation, profonde, dégagée de tout calcul.

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Armand Meignan

Armand Meignan © Michael Parque

Je me souviens qu’en 2005, Joëlle Léandre était réellement « la tête d’affiche » (car elle figurait en grand sur l’affiche !) de l’Europajazz alors que le programme annonçait aussi McCoy Tyner, Aldo Romano, Paolo Fresu, Daniel Humair, David S. Ware, David Murray ou Charles Lloyd… Provocation ? Incohérence par rapport à la notoriété supposée supérieure de ces musiciens ? Faute de communication ? Féminisme exacerbé ?…
Non !
Tout simplement la logique d’une histoire entre Joëlle et l’Europajazz, d’un « lien » avec le public qu’elle n’avait jamais déçu depuis sa première apparition au Mans, en mai 1986 dans un fameux « Contrebasse Summit » en compagnie de Barry Guy, Peter Kowald et Torsten Muller.
En 2005, notre « tête d’affiche » présentait cinq projets différents dans quatre salles différentes (de 150 à 600 places)… et tout fut complet ou presque. C’est-à-dire environ, au total, près de 1500 spectateurs, bien plus que Charles Lloyd ou David Murray !
Joëlle est évidemment une monumentale musicienne, mais pour moi elle a cette qualité unique, qui manque si souvent à bien d’autres : elle sait que la musique (même la plus contemporaine !) ne se fait pas seul dans sa salle de bain ou face à son miroir, mais dans cette « rencontre » si particulière avec le public ! C’est une naïve évidence, mais si souvent oubliée ! Oui c’est une grande virtuose, oui une compositrice de premier plan, mais le plus important : elle a du « cœur » !

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Elise Dabrowski

Elise Dabrowski © Christian Taillemite

La première fois que j’ai joué avec Joëlle c’était chez elle, pour se rencontrer avant notre premier concert. Joëlle joue dans son salon comme elle joue sur scène, la demi-mesure n’existe pas … Jouer à ses côtés, c’est d’abord sentir sa présence quasi animale, j’aime la manière dont son corps investit l’instrument, une douce lutte… cet après midi-là, nos contrebasses et nos voix ont virevolté d’impros en impros. Elle transpirait comme en concert, on a fait une petite pause, bu des thés, rigolé, il y avait ses deux chats et les plantes vertes autour de nous… c’était si bon d’être là avec cette grande dame, ça m’a rappelé que j’avais seulement 20 ans quand Joëlle m’a encouragée à être musicienne … voie ouverte à prendre à bras le corps : précieuse transmission…
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Claude Tchamitchian

Claude Tchamitchian © Michel Laborde

Joëlle Léandre est une des personnalités majeures de la musique de création depuis plusieurs décennies.
Sa très forte personnalité et son extraordinaire aptitude à « surprendre » en font à mes yeux l’une des aventurières les plus exemplaires et motivantes de notre temps. Incessante globe-trotter, la notion de croisement et de melting-pot si chère à notre univers musical trouve avec elle toute sa signification. Son travail sur la contrebasse, notamment en solo, est absolument passionnant et a fortement contribué à repousser les limites de l’instrument.
Mais je voudrais rapporter ici une anecdote que j’ai vécue avec Joëlle et qui témoigne d’un côté qu’on ne soupçonne peut-être pas assez chez elle.
C’était au début des années 90 et j’avais plusieurs concerts solo à venir. Or, par malheur, suite à un accident, l’unique archet que je possédais a été brisé et ce, peu de temps avant le début de cette série de solos. Nous habitions le même quartier et je suis allé voir Joëlle pour lui demander chez quel archetier elle allait car, étant depuis peu à Paris, je n’en connaissais aucun. Après lui avoir raconté ma mésaventure, elle me conseilla plutôt de prendre le temps de m’en faire faire un « sur mesure » et pour que je puisse prendre ce temps en toute tranquillité, elle me prêta sans hésiter un de ses archets, et je peux vous dire que c’en était un beau ! Il m’a fallu 6 mois pour arriver à avoir un nouvel archet et quand je le lui ai rendu, elle m’a gentiment avoué qu’il lui avait manqué, alors que pas une fois elle ne me l’avait réclamé ni n’avait accepté aucune somme d’argent que je lui proposais comme dédommagement….
Non seulement j’ai pu faire sans problème ma série de concerts mais son archet m’a beaucoup aidé pour concevoir le mien…. Je n’ai pas si souvent connu une telle générosité et je ne suis pas prêt de l’oublier. C’est d’une grande classe !

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Philippe Ochem

Philippe Ochem © Michel Laborde

« Can you hear, Léandre ? »
Joëlle est unique.
Notre label « Jazzdor Series » est né à cause d’elle et de son duo avec Vincent Courtois, tant l’intensité de la musique ce soir-là de juin 2013 à Berlin était forte. Ensuite nous nous sommes retrouvés pour la re-création de Can you hear me ? avec Jazzdor aux côtés de l’Arsenal à Metz, du Festival Musica à Strasbourg, du Petit Faucheux à Tours, du label Ayler Records en 2014 et 2015.
Ce compagnonnage unique me reste en tête et marque ce que pourrait être un idéal musical sur le terrain des musiques d’aujourd’hui : rendre possible, avec de petites et grandes structures, la création et la diffusion d’œuvres qui dépassent les frontières esthétiques, transcendent les genres, tout en participant d’une même histoire musicale et humaine. Ceci étant dit : c’est pas gagné.

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Médéric Collignon

Médéric Collignon © Michel Laborde

Joëlle, c’est le cri, le geste, la ligne droite, l’essence, le double, l’amitié, l’imbrication. Elle ne joue pas de jazz, elle essaie d’en produire. C’est un exemple, notamment pour les jeunes, un modèle de liberté. C’est une sage qui n’est pas si sage mais singe la sagesse. C’est une souche du temps. C’est un clown génial.

Je me souviens d’un concert à Besançon. Joëlle avait des problèmes à une main. Elle souffrait tant qu’elle geignait. Je lui ai conseillé de s’arrêter quelque temps et de se faire opérer. Je l’ai fait moi-même pour mon hernie discale. Elle s’est énervée : « Mais tu n’y comprends rien : c’est impossible ! » C’est une femme qui va jusqu’au bout, même avec des doigts cassés ou en sang. Joëlle Léandre est héroïque.

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François Houle

François Houle © Frank Bigotte

Mon souvenir le plus précieux !
Voilà ; la première fois que j’ai joué en concert avec Joëlle. C’était à Vancouver en 1994. En trio avec le pianiste allemand Georg Graewe, au Western Front. Pour l’occasion, le label américain Nuscope comptait enregistrer le trio, en première inédite. Le concert fut un succès. Accueil très chaleureux du public. Le rapport et la complicité entre Joëlle et moi se sont établis lors de cette rencontre. Joëlle est très douée pour se connecter avec les musiciens, de manière très profonde. Ce concert restera toujours dans mon esprit comme l’un des moments les plus forts de ma vie musicale. Et il a marqué le début d’une amitié pour la vie (elle m’appelle « mon frère » et moi je l’appelle « ma grande sœur »).
L’autre partie de l’histoire est la suivante : l’enregistrement de cette première rencontre a malheureusement disparu lors de l’incendie du home studio de l’ingénieur du son. Heureusement, le trio était invité à jouer à Banlieues Bleues en 1996, à Paris. Nous avons enregistré ce concert qui a été publié par le label montréalais Red Toucan. Depuis ce temps, notre amitié continue de grandir. Amour et respect pour l’une des plus grandes improvisatrices de cette planète !

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Bernard Santacruz

Bernard Santacruz © Michael Parque

J’ai réfléchi à ce que je pourrais bien raconter de marquant sur Joëlle et je me rends compte que tous les moments, musicaux et humains, sur les tournées en France à l’automne 2013 et autour de Chicago l’année dernière avec le quintet « Sonic Communion » auront été « marquants » (« inspirants » serait plus juste), comme ceux passés auprès de Siegfried Kessler, Frank Lowe, ainsi qu’une toute petite poignée d’artistes dont l’amour et l’énergie qu’ils dégagent, la justesse et l’intégrité dont ils font preuve, t’éclaboussent pour la vie entière. Free Spirit, aurait dit Denis Charles…

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Nicole Mitchell

Nicolle Mitchell © Frank Bigotte

A chaque fois que je suis avec Joëlle, je sais que je vois l’histoire s’écrire devant moi. Elle se déplace avec un réalisme et une vérité qui chantent à travers ton âme, et avec une telle générosité et une telle joie ! Elle se bat pour l’excellence à tout prix.
En fait, chaque instant et chaque son célèbrent la vie, le vivant, et l’instant présent.
L’écouter c’est être plus vivant !

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Noël Akchoté

Noël Akchoté © Michel Laborde

Ma première rencontre avec Joëlle Léandre remonte, comme beaucoup sans doute, à l’écoute de Taxi, puis d’autres disques. Par la suite, rapidement, à un moment où je venais de rencontrer Derek Bailey et cherchais à découvrir ses musiques. Quand à la rencontre physique, si j’ose dire (mais il y a de ça avec Joëlle aussi en tout), j’ai deux souvenirs sans savoir dans quel ordre exactement : un trio avec Paul Rogers (Paul était arrivé peu de temps avant, je jouais assez régulièrement avec lui), puis un projet plus important avec Banlieues Bleues, notre collectif avec Thierry Madiot, “L’Astrolab” (basé aux Instants Chavirés), et donc Joëlle, Evan Parker, George Lewis et Joel Ryan, un projet que l’on avait joué deux fois en ayant le temps de le préparer. C’était 1993 ou 94, je dirais.
Qu’est-ce qui la rend si vivante ? Sans doute un mélange de luttes réelles
puis nécessaires dans sa vie, bien sûr : Femme, Contrebasse… orchestre vs soliste, improvisé vs contemporain, France vs carrière internationale, d’autres orientations, origines, constats aussi.
Au fond, la lutte, si elle s’ancre dans des injustices, des obstacles au départ, devient vite un moteur intime. Aussi, on se cherche des ennemis pour rester en forme… une sorte de mécanisme de l’adversité, un muscle qui nous procure bien plus de choses que le consensus auréolé de décorations d’Etat.
Mon souvenir le plus marquant ?
Beaucoup : le rire, le cri et une parole directe, quitte à transgresser les codes. Ces entretiens, une journée lumineuse à Montmartre, chez elle, à se parler avec du vin ; une photo chez elle dans un renfoncement, une toute jeune Joëlle en pantalons de cuir, qui semble dangereuse et belle.

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Serge Teyssot-Gay

Serge Teyssot-Gay © Michel Laborde

Je n’ai pas particulièrement d’anecdotes à raconter à propos de mon duo avec Joëlle…
Je peux juste parler de son immense capacité à transmettre et à stimuler chez les autres, une ouverture, un affranchissement des codes, sans que ce soit expliqué en mots mais par la pratique.
Elle sait, d’autre part, extrêmement bien théoriser la pratique, verbaliser, formuler, ce qui m’a aidé aussi à préciser mon rapport à la musique. Et au monde !
A son contact, j’ai eu la sensation de progresser vers plus de liberté, plus de possibles.

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Vincent Courtois

Vincent Courtois © Christophe Charpenel

Joëlle est un personnage très à part, très exigeante, très volontaire. Elle aime la beauté, la justesse, le son. 
Mon souvenir est récent. Dans un train avec elle en Allemagne, au wagon restaurant, au milieu de supporters du Bayern Munich très énervés et très saouls qui chantaient des chants… de supporters, bien sûr. Je n’oublierai jamais l’expression désemparée de Joëlle au milieu de cette joyeuse troupe et son regard sur tant de vulgarité. J’adore ce genre de situation et surtout l’énorme décalage, tellement révélateur de son caractère. 

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Guillaume Aknine

Guillaume Aknine © Léna Tritscher

Souvenir d’un concert en tant que spectateur.
Contexte : Joëlle s’est fait opérer de la main droite il y a quelques mois, la gauche va devoir y passer (arthrose, il me semble), elle est à deux doigts d’annuler le concert.
Elle monte sur scène, prend le micro : « Ce soir je ne jouerai pas tout le concert parce que j’ai mal ! Mais je suis là, parce qu’on n’abandonne pas ses copains ! ».
Et elle attaque le concert avec une violence…

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Hélène Labarrière

Hélène Labarrière © Michel Laborde

En 1980, je prends une grande décision : je serai contrebassiste.
Alors je cours tout Paris pour écouter tous les merveilleux contrebassistes que comptent la ville. Ils sont nombreux. D’Alby Cullaz à Jean-François Jenny-Clarke, de Jean-Jacques Avenel à Jean-Paul Céléa, de Patrice Caratini à Henri Texier, de Pierre Michelot à Césarius Alvim…
Je cours partout et écoute ainsi pour la première fois Joëlle Léandre, en solo. Ce jour-là, au programme, des pièces contemporaines (c’est loin, je ne me souviens plus ni qui, ni quoi). Joëlle, époustouflante, nous embarque dans son histoire, malgré les accidents de parcours : la bande magnétique ne part pas, la pique de la contrebasse se casse… Cette grande musicienne me fait comprendre ce jour-là ce qu’est l’engagement dans la musique. Au delà de la technique, au delà du style, elle est là, à 200% là.
Merci à toi grande sœur pour tout ce que tu apportes à la musique.

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Alexandra Grimal

Alexandra Grimal © Franpi Barriaux

Il y a parfois des anges gardiens.
Dans des situations très injustes, la colère de Joëlle, son soutien et son franc-parler m’ont permis de regarder au-delà de certaines problématiques.
Elle n’a jamais peur de dire ce qu’elle pense et est toujours prête à se battre contre les manques de clairvoyance. J’ai été impressionnée et émue de son courage et de sa grande bienveillance.
Joëlle a fait office de "justice divine » pour moi à plusieurs reprises !

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Bruno Chevillon

Bruno Chevillon © Laurent Poiget

Souvenir d’un voyage en voiture avec elle il y a quelques années. Nous devions participer à une création avec 2 contrebasses à Montpellier et il y avait une grosse grève des trains qui s’annonçait assez longue. Donc location de voiture, voyage sur 2 jours. C’était formidable, Joëlle n’a pas arrêté de raconter des histoires de sa vie, tout y est passé : Cage, Scelsi, NY, les tournées seule, les problèmes graves ou cocasses avec la contrebasse, les boxers (le chien… Biscotte pour elle, Pénélope pour moi). Elle passait de l’émerveillement à la rage en deux secondes en fonction de ses récits, parlait très doucement ou au contraire d’un coup très fort pour démonter un « petit con, français » qui ne l’avait pas saluée à Victoriaville (elle saura de qui elle parlait). J’avais fou-rires sur fou-rire tellement elle faisait le pitre. Tout y passait, ses joies, ses douleurs, ses projets, nos vies de musiciens, les comportements des gens du Sud (nous sommes nés pas très loin l’un de l’autre)…
Plus on descendait dans le Sud plus son accent d’Aix en Provence se renforçait et probablement le mien aussi, je suis très « poreux »…
On décide de s’arrêter pour dormir à Riom, on débarque dans le hall d’un hôtel, pris au hasard, avec les deux contrebasses. La dame de l’accueil est en panique : elle n’a jamais vu ça, s’interroge si ça va rentrer dans l’ascenseur, la chambre, appelle son mari. Dans ses mots l’instrument devient bien plus gros qu’il n’est en réalité…
Et là, Joëlle dit au couple que nous sommes les deux premiers, voire l’avant-garde, contrebassistes d’un énorme symposium de contrebassistes qui vont arriver dès le lendemain, on va être des centaines, tous les hôtels vont être pris par ces instruments monstrueux. On en a rigolé pendant tout le repas et le reste du voyage le lendemain. Et son accent était de plus en plus soutenu…

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par La Rédaction // Publié le 17 avril 2016

[1Chemin faisant…

Suivez votre chemin, ma chère…
Seule et entière
Vos doigts tricotant les cordes
Ce gros son de Bogen que l’on vous connaît
Aïe (Oh mon Diiieu !)
Qu’est-ce que je l’aime !
Et qu’est-ce que je vous aime !
Quarante ans ?
Encore de quoi espérer !

[2Acrostiche pour Joëlle
Joyeux
Ordre
(d’)Equations
Liquide
Lambda
(d’)Expressions

Légendaires
Extatiques
Anthologies
Naturellement tu
Domines
(les)Rayons
(d)’Energie
afin de « jouer le jeu » de l’acrostiche dans la « langue d’arrivée », « Living » et « Now » ont été remplacés par deux autres mots comportant les mêmes initiales en français

[3Joëlle Léandre sur nato : Avec Lol Coxhill : Instant Replay (1983 – nato 25/32) / Cou$cou$ (1983 – nato 157 ) / Album collectif : Six séquences pour Alfred Hitchcock 1 titre (1984 – nato) / Joëlle Léandre : Les douze sons (1984 - nato 82) / Joëlle Léandre – Benoît Delbecq – Carnage The Executioner : Tout va monter (2015 – nato 4757).