Chronique

A Filetta / Paolo Fresu / Daniele Di Bonaventura

Danse Mémoire, Danse

A Filetta (voc) : Jean-Claude Acquaviva, Paul Giansily, François Aragni, Stéphane Serra, Jean Sicurani, Maxime Vuillamier. Paolo Fresu (tp, bugle, effets), Daniele Bonaventura (bandonéon, p)

Label / Distribution : Tuk Music

L’ensemble vocal corse A Filetta, le trompettiste italien Paolo Fresu et le bandonéoniste/pianiste italien Daniele Bonaventura ont déjà collaboré en 2011 sur un premier album, intitulé Mistico Mediterraneo. Les voici de nouveau réunis pour célébrer la mémoire de deux grands hommes du XXème siècle : le Martiniquais Aimé Césaire, descendant d’esclaves, poète, dramaturge, homme politique, et le Corse Jean Nicoli, instituteur qui enseigna dans le haut Sénégal (actuel Mali) dans les années 20, avant de revenir en France et entrer en résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Les deux hommes ne se sont pas connus mais ils portèrent la même soif de justice, et prirent part à des combats similaires. Ils aimèrent notamment passionnément l’Afrique et condamnèrent les ravages du colonialisme.

Danse Mémoire, Danse leur rend hommage, et à travers eux, ravive l’idée d’un monde plus juste, équitable, parce que l’idée est fragile et tend trop vite à s’éteindre. Les voix du chœur A Filetta déchirent ces « filets conçus pour séparer les hommes » dans des chants bouleversants qui résonnent comme l’espoir de l’après tempête. Dans un très beau livret, les textes corses sont traduits en français, italien et anglais, pour une lecture complète de l’œuvre. « Toi le poète issu d’une lignée d’esclaves, et toi dont l’idéal fut le bonheur commun », « Bien qu’insulaires la mer n’a pu vous enfermer »…

Les instrumentistes soutiennent moins le chant qu’ils ne lui répondent, avec une sorte de délicatesse attentionnée. La trompette de Paolo Fresu vient s’étendre sur une rythmique vocale, le bandonéon de Daniele Bonaventura plante un décor, s’efface, puis se joint aux cordes vocales. Des silences ouvrent des voies d’improvisations, dont l’éclosion a quelque chose de gracieux. Le chœur reste le cœur de cette musique mélancolique, poignante, qui semble tournée vers l’horizon d’un paysage marin, ouvert, et porteur de toutes les espérances.