Scènes

A l’écoute des jeunes musiciens

La MJC Bréquigny (Rennes, Ille-et-Vilaine), porteuse du festival Jazz à l’Ouest, soutient les jeunes artistes dans leur apprentissage et leur promotion.


Valérie Leroux, directrice de la MJC Bréquigny - située dans un quartier populaire de Rennes - le répète à l’envie : « Une des missions de la MJC est de soutenir les jeunes dans leur apprentissage du jazz. Le festival Jazz à l’Ouest intègre cette mission dans son cahier des charges en programmant de jeunes musiciens locaux qu’il aide à démarrer leur carrière. » Ce n’est pas une simple déclaration d’intention, comme nous l’ont confirmé de jeunes artistes (la plupart n’ont pas trente ans) qui ont bénéficié de cette politique culturelle volontariste et qui désormais volent peu ou prou de leurs ailes au plan national voire international.

« Jazz à l’Ouest, dit ainsi Maxence Ravelomanantsoa (saxophone ténor) qui s’y est produit avec au moins deux de ses groupes (ESP+1 et BZH Crew), »est un festival à taille humaine où se côtoient artistes nationaux, internationaux mais aussi locaux. Beaucoup de grands festivals de jazz s’occupent plus de savoir quel est le groupe à la mode qui fera salle comble que de promouvoir les talents locaux. A Jazz à l’Ouest, les artistes rennais et bretons font partie intégrante de la programmation, et quand on a 18-19 ans, on n’est pas peu fier de voir son nom à côté de celui de ses idoles.« Ce que confirme Paul Morvan (batteur) qu’on a souvent vu sur la scène de la MJC Bréquigny et qui s’est produit cette année, à 25 ans, comme leader d’un trio en première partie d’Alex Stuart. »La MJC Bréquigny et son festival nous ont permis, à moi et à d’autres jeunes musiciens rennais, de nous produire dans de vraies conditions de scène, alors que nous n’étions encore qu’étudiants au conservatoire. La MJC nous a servi de lien entre l’école et la réalité".

Malo Mazurié © J.-F. Picaut

Malo Mazurié (trompette) a été le premier bénéficiaire d’un programme (Fresh Sound) mis en place par Jazz à L’Étage, autre festival rennais, qui, à l’issue d’une résidence de création, offre une ou deux programmations à l’artiste choisi ainsi que la possibilité d’enregistrer une maquette et d’être soutenu dans sa promotion pendant un an. Lui, qui tourne beaucoup en France et à l’étranger, définit avec précision ce qu’il doit à la MJC et à Jazz à l’Ouest. « Jazz à l’Ouest a été très important dans le développement de ma carrière. En effet, la MJC et Jazz à l’Ouest suivent les Rennais, des premières années au conservatoire avec de petits concerts dans la cafétéria jusqu’à la programmation en première partie de têtes d’affiche du jazz. Il y a là un vrai suivi effectué par Olivier Nestelhut (le directeur artistique du festival). Le travail se déroule aussi en dehors de la période du festival avec des aides à enregistrer de petites maquettes et des master-classes organisées pour les élèves des conservatoires et pour des auditeurs libres. De plus, la programmation toujours très éclectique et novatrice permet chaque année de faire des découvertes musicales ».

Édouard Ravelomanansoa (pianiste) ne dit pas autre chose, mais il est encore plus précis. « Je tiens à remercier la MJC, qui m’a avant tout permis d’avoir la chance de jouer plusieurs fois durant le festival, et donc d’avoir accès à de vraies conditions de jeu (scène, matériel, son). C’est d’autant plus appréciable qu’au début, la majeure partie des concerts a plutôt lieu dans les bars où les conditions de jeu sont tout autres ! C’est important d’avoir ainsi un point d’ancrage pour pouvoir diffuser, défendre notre musique aux oreilles d’un plus grand nombre. » Il est vrai qu’âgé de 25 ans maintenant, le festival brasse un public nombreux et varié. Edouard insiste aussi sur l’aide matérielle concrète de la MJC. Il est reconnaissant d’avoir eu à sa disposition des locaux agréables, disponibles pour des répétitions ainsi que des enregistrements ! Un souvenir précis lui revient même : « Un jour, j’ai pu y obtenir une salle avec piano, au dernier moment, alors que je m’apprêtais à prendre un cours avec le pianiste américain Taylor Eigsti, à Rennes à ce moment-là. »

Un autre témoignage nous est fourni par Laura Perrudin (harpiste et chanteuse). Cette jeune femme de 23 ans qui collectionne les récompenses (prix de composition au Concours National de jazz de la Défense 2013, 2e Prix à la Montreux Jazz Voice Competition 2014, prix d’Aide à la Professionnalisation au Tremplin du festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés 2014) confirme les dires de ses camarades (Edouard Ravelomantsoa et Paul Morvan sont membres de son quartet) et définit avec clarté ce qu’elle a reçu de la MJC et du festival. « Au-delà du fait qu’en tant que Rennaise, Jazz à l’Ouest m’a permis, pendant des années, d’avoir accès à beaucoup de concerts, master-classes et workshops marquants au cours de ma formation, la MJC a été un partenaire important pour moi et, je crois, pour beaucoup de musiciens de jazz de ma génération à Rennes. En effet, grâce à l’intérêt qu’Olivier Nestelhut a porté aux projets de jeunes musiciens rennais et au soutien qu’il leur a apporté, elle a été un lieu de travail, d’enregistrements, de concerts… Personnellement, c’est grâce à ce soutien que le premier EP de mon quartet a pu voir le jour en 2012, support qui nous a permis de construire la suite de notre parcours. Notre programmation dans le cadre du festival a également représenté une étape importante car il s’agissait d’un de nos premiers festivals d’envergure. »

Laura Perrudin © J.-F. Picaut

Le nom d’Olivier Nestelhut (saxophoniste et directeur artistique du festival), cité par Malo Mazurié et Laura Perrudin, semble faire l’unanimité chez ceux que nous avons rencontrés. De toute évidence, il est la cheville ouvrière de la politique portée par la MJC. « La force du festival est pour moi en grande partie due à sa connaissance de la scène locale » dit Maxence Ravelomanantsoa, le second bénéficiaire de Fresh Sound, ce qui lui a permis de jouer en première partie du Spring Quartet (Joe Lovano, Jack DeJohnette, Esperanza Spalding et Leo Genovese, excusez du peu). « Programmateur », ajoute-t-il, « il connaît tous les musiciens du coin. Il se tient informé de l’avancement des projets de chacun pour éventuellement les intégrer à la programmation. Il n’hésite pas non plus à prendre les devants en proposant des « cartes blanches » et « résidences » aux jeunes afin de soutenir leurs aspirations artistiques ». Et son frère Édouard d’insister : « Je tiens à ajouter que les précieux conseils et les encouragements réguliers d’Olivier Nestelhut, qui est pour moi un collègue et un ami, sont toujours motivants dans ce milieu qui peut souvent être difficile. »

On ne peut que se réjouir, au moment où les artistes et spécialement les musicien(ne)s de jazz connaissent les difficultés que l’on sait, de voir des institutions et des individus rester fidèles à leur engagement auprès du public et auprès des jeunes artistes.

par Jean-François Picaut // Publié le 8 décembre 2014
P.-S. :

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Le festival Jazz à l’Ouest se déroule dans la métropole rennaise durant la première quinzaine de novembre