Chronique

Achiary / De Ezcurra / López

Acércate Más

Beñat Achiary (voc), Philippe de Ezcurra (acc), Ramón López (dm, perc)

Label / Distribution : Buda Musique

Que ce disque magnifique soit une occasion de rendre un juste hommage à Beñat Achiary, qui depuis tant d’années arpente les routes du monde pour y rencontrer ses « alter-égos », aux fins d’enseignement, de créations, de croisements des cultures, avec un sens aigu de ce qui les réunit au-delà des différences, et ce sans passer obligatoirement par la case « universel ». Quant on sait ce que cela représente comme dépense, qu’il ait eu la force encore de créer un festival dans son pays (basque) est proprement un exploit. Et qu’il parvienne à le prolonger années après années, dans un contexte parfois limite hostile, indique assez que l’homme est opiniâtre. Ajoutez à cela une disponibilité totale à toutes sortes d’expériences musicales et de rencontres, et vous aurez le portrait (incomplet) d’un musicien, chanteur et activiste de premier ordre.

Écouter ce disque, c’est aller à la rencontre du monde de Beñat, au fil des morceaux, par la grâce de ces deux qui l’entourent, le suivent, le précèdent quand il faut, le tiennent en respect. Ramón López qu’on est heureux de saluer, ici parfaitement juste dans ses commentaires percussifs, nullement dans l’excès, toujours dans la nuance et la pertinence du trait. Quant à l’accordéoniste Philippe de Ezcurra il donne la réplique mélodique et rythmique sensible et cultivée aux chansons que Beñat a choisi de nous faire entendre. Le thème titre « Rapproche-toi davantage » a été composé par Ramón López, il porte le même titre qu’un morceau célébré jadis par Nat « King » Cole, qui portait moins sur la séparation des êtres que sur le désir immédiat d’un rapprochement sensible !

Si l’on s’arrête un instant sur cet « Acércate Más », on comprendra que l’interjection peut être celle d’un amoureux engagé dans un geste de séduction, ou celle d’un prisonnier derrière un barbelé qui s’adresse à la personne aimée. Un thème qu’on retrouve dans bien des chansons de berger(e)s, séparés par une vallée et qui désespèrent de se trouver jamais. [1]. Obéir à cette injonction, c’est donc se rapprocher du chanteur et poète souletin, pour écouter son appel. Au fil des années qui passent, la voix reste superbe, gagne en délicatesse, est moins sollicitée du côté du cri et de la raucité, et se laisse aller à des confidences de plus en plus intimes. Quant aux chansons, elles sont empruntées au répertoire traditionnel basque (chants d’amour sublimes, chants de travail), ou de la plume des interprètes eux-mêmes, sans oublier un bel hommage à Abbey Lincoln et Max Roach (« As Tender As A Rose »). Rapprochons-nous un peu plus encore de Beñat !

par Philippe Méziat // Publié le 14 février 2016

[1cf Bailero harmonisé par Canteloube