Chronique

Adam Bałdych & Helge Lien Trio

Brothers

Adam Bałdych (vln), Helge Lien (p), Frode Berg (b), Per Oddvar Johansen (dms) + Tore Brunborg (ts)

Label / Distribution : ACT

Ce deuxième album qui réunit le violoniste polonais Adam Bałdych et le trio du pianiste Helge Lien, paru chez ACT comme son prédécesseur, constitue une suite très réussie à Bridges et s’inscrit, avec son recours fréquent aux rythmes binaires, ses lentes mises en tension et ses mélodies en forme d’hymnes romantiques, dans une esthétique chère au label munichois. Une esthétique, en outre, très présente dans le jazz actuel, à tel point que l’on peut se montrer méfiant à son égard, noyés que nous sommes dans ces propositions musicales aux atours alléchants mais malheureusement souvent vides de sens.
Cette défiance légitime s’efface ici rapidement : le disque est pourvu de toutes les qualités attendues sur ces compositions, avec en premier lieu un soin constant porté à la sensualité. Les quatre musiciens, rejoints à trois reprises par le saxophoniste Tore Brunborg, ont le bon goût de ne pas s’enfermer dans des tourneries redondantes ou des incursions trop évidentes dans les formes pop ou rock, et font respirer les morceaux en leur insufflant une énergie souple et en veillant à ce que la narration soit ascendante plutôt que plane.

La cohérence est totale entre le répertoire choisi/composé, l’expression collective du groupe et l’intention du violoniste qui entend, à travers ce disque, honorer la mémoire de son frère disparu mais aussi louer les liens fraternels qui nous unissent à ceux que l’on prend le temps de connaître, de comprendre, d’accepter tels qu’ils sont, prenant pour exemple la complicité qui l’unit désormais à Helge Lien, Frode Berg et Per Oddvar Johansen : une amitié renforcée par les heures de voyage et de musique, et dont on perçoit très clairement l’intensité à l’écoute de l’album.

On est frappé en premier lieu par le naturel avec lequel la musique se façonne. Par exemple cette ballade presque folk, « Love », qui aurait pu être mièvre mais qui est en fait sensuelle et caressante. Ou la reprise de « Hallelujah » de Leonard Cohen, une gageure, qui séduit par sa simplicité et ses fêlures non estompées. D’un titre à l’autre, le groupe chemine sans jamais chercher l’inouï, mais en ayant à cœur de livrer de belles interprétations, de servir les jolies mélodies écrites par le violoniste, de converser sans précipitation, ni longueur.

Adam Bałdych est en outre l’auteur de très belles compositions qui se veulent touchantes sinon sophistiquées. On tient là le secret de l’attrait immédiat et durable de ce disque : une musique simple et profonde, dont tous les charmes sont concentrés dans le magnifique morceau « Brothers », un hymne qui maintient en parfait équilibre le lyrisme, la tension, l’énergie et la fragilité.