Chronique

Al Foster Quartet Live

Love, Peace and Jazz

Eli DeGibri (sax), Kevin Hays (p), Douglas Weiss (b), Al Foster (d).

Label / Distribution : Allgorythm

Love, Peace and Jazz est le deuxième disque d’Al Foster en leader [1] et le quatrième disque du catalogue de JazzEyes, petit label italien de Palerme distribué en France par Allgorythm.

Foster est archi-connu pour avoir accompagné Miles Davis de 1969 - Big Fun - à 1985 - You Are Under Arrest. Mais il serait injuste de réduire le parcours de cet immense batteur à sa carrière auprès du trompettiste. Ainsi, depuis plus de dix ans Foster tourne avec son quartet. Et pour cet album enregistré live, le batteur est accompagné d’Eli DeGibri aux saxophones, Kevin Hays au piano et Douglas Weiss à la contrebasse. Si Hays n’a plus besoin d’être présenté (il a déjà défrayé les chroniques de Citizen Jazz avec For Heaven’s Sake, il n’en va pas de même des deux autres. Né en Israel, DeGibri a commencé par apprendre la mandoline avant de bifurquer vers le saxophone. A sa sortie de la Berklee School il rejoint le sextet d’Herbie Hancock, puis se retrouve avec Foster (entre autres). Weiss, lui, a commencé par la musique classique, mais après des sessions avec Rufus Reid il s’est orienté définitivement vers le jazz et c’est un habitué des combos d’Hays et de Foster.

Le choix des morceaux révèle l’esprit de Love, Peace and Jazz : « ESP » de Wayne Shorter, « Blue In Green » de Miles Davis et « Fungii Mama » de Blue Mitchell (premier « patron » de Foster). Quant aux trois autres plages, elles sont signées Foster et restent dans une veine « shortérienne » (« The Chief », repris par Scolohofo sur Oh ! en 2003) ou « rollinsienne » (« Peter’s Mood »). Comme le voulaient les canons du jazz dans les années 70, les six morceaux sont plutôt longs : une dizaine de minutes chacun.

Foster allie puissance de jeu et variété des effets. Son omniprésence pousse les solistes à beaucoup de créativité et les met sous tension. Ses cris et grognements se mêlent à ses « pêches » pour encourager DeGibri et Hays à tout donner. Loin de l’exhibition et des prouesses virtuoses, ses solos sont impressionnants de musicalité (« Brandyn » que l’on retrouve également sur Oh !), et laissent éclater sa belle sonorité. DeGibri déploie un jeu à la fois vivant et maîtrisé. Au soprano il rappelle Shorter : phrases continues ponctuées d’ostinato qui font monter progressivement la tension, et sonorité plutôt ronde. Au ténor, DeGibri mise sur un son velouté exempt de vibrato qui donne de la chaleur à son jeu. Comme à son habitude, Hays combine délicatesse et vivacité, et reste à l’écoute de ses partenaires en toute occasion : contre-chants, accentuations, unissons et accords clairsemés mettent en valeur les propos de DeGibri. Weiss affectionne les solos dans le registre medium – aigu de l’instrument et sa ligne de basse constitue un soutien efficace pour la musique du quartet.

L’amour, la paix et le jazz. C’est tout un programme que nous propose ici Al Foster sous un titre qui évoque des slogans prisés lors d’un certain mois de mai et diffuse un parfum qui remplira de nostalgie plus d’un auditeur…


  1. « The Chief » (10:30).
  2. « ESP », Wayne Shorter (11:30).
  3. « Blue In Green », Miles Davis (14:10).
  4. « Peter’s Mood » (10:45).
  5. « Brandyn » (13:40).
  6. « Fungii Mama », Blue Mitchell (8:20).

Toutes les compositions sont d’Al Foster, sauf indication contraire.

par Bob Hatteau // Publié le 15 mai 2008

[1Après Brandyn, sorti en 1997