Chronique

Alain Jean-Marie

Biguine Reflections (Intégrale)

Alain Jean-Marie (p), personnel détaillé sur livret

Label / Distribution : Frémeaux & Associés

Sans Alain Jean-Marie, quid de Mario Canonge ou de Grégory Privat ? L’intégrale des cinq albums originaux du pianiste guadeloupéen rend justice à ce créateur. Il lui aura finalement fallu du temps pour oser revendiquer ses racines antillaises sur disque, alors même qu’il était un bopper accompli, internationalement reconnu.
Point de fausse pudeur cependant mais un sens de la dignité créole sans pareil. En se saisissant de la plus populaire des musiques antillaises, trop souvent rabaissée au rang de « folklore », il déroule l’histoire du peuple antillais, avec quelques connotations politiques assumées (clin d’œil à Césaire avec « Retour au pays natal »), mais surtout, avec un jeu si nuancé qu’il n’en est que simplement humain. Mobilisant l’héritage du renouveau de la « biguine wabap » qui émergea dans les années cinquante comme un mouvement de décolonisation musicale (notamment avec le percussionniste toujours bien actif Roger Raspail), il sait garder le cap sur la danse sans négliger l’appel aux consciences, et inversement.
Un goût doux-amer émane de ces enregistrements en trio, réalisés entre 1992 et 2013, emportant l’auditeur dans des rêveries tropicales aux sensations contrastées, entre ouragans et cieux brûlants.