Chronique

Aldo Romano New Blood

The Connection

Aldo Romano (dms), Baptiste Herbin (as), Alessandro Lanzoni (p), Michel Benita (db).

Label / Distribution : Dreyfus Jazz

En 1959, le Living Theatre présente dans un petit théâtre new-yorkais The Connection, une pièce de Jack Gelber où les acteurs sont jazzmen et réciproquement. Jackie McLean y joue son propre rôle : celui d’un saxophoniste qui attend le dealer, la « connection » grâce à qui il aura son « fix ». Autour de lui, dans un appartement insalubre, d’autres drogués attendent aussi. Les musiciens jouent pour tromper l’ennui. À l’époque, aux Etats-Unis, aborder ces sujets au théâtre est révolutionnaire, d’autant plus que Noirs et Blancs sont indistinctement présents sur scène et que la pièce est construite sur une mise en abyme qui sème le doute sur le statut de la fiction et casse le mur invisible entre public et acteurs.

Freddie Redd compose pour ce spectacle un répertoire éponyme, Music From The Connection, enregistré chez Blue Note, avec, outre lui-même et Jackie McLean, Michael Mattos à la contrebasse et Larry Ritchie à la batterie. Ces thèmes seront repris deux fois dans les décennies suivantes : en 1960 par Howard McGhee, avec Redd lui-même au piano, et aujourd’hui par le batteur Aldo Romano.

Avec les jeunes Baptiste Herbin au saxophone et Alessandro Lanzoni au piano ainsi que Michel Benita, compagnon de longue date, à la contrebasse, Aldo Romano rejoue sa propre histoire en même temps qu’il la transmet à la nouvelle génération. Lors de la reprise de la pièce en France en 1968 et 1969 au Théâtre des Arts puis au Théâtre du Vieux-Colombier dans une mise en scène de Jean Colomb, il jouait le personnage d’Ernie, qui a dû mettre son instrument au clou pour pouvoir se payer sa dose, aux côtés de Nathan Davis (s), Jean-François Jenny-Clark (db) et alternativement Siegfrid Kessler et Michel Graillier (p). De plus, il a participé au quartet de Jackie McLean lors de son passage à Paris, au Chat qui pêche, en 1961. À cette expérience, il a voulu ajouter du sang neuf — « New Blood » — pour faire redécouvrir cette musique. On s’attendait donc à une lecture nouvelle du répertoire : il n’en est rien. Si les musiciens irréprochables jouent leur rôle à la perfection, ils ne nous livrent que du bebop passé au filtre d’une production lisse et propre, bien loin de l’urgence de l’original. Autant écouter celui-ci, sauf peut-être pour le dernier morceau, une jolie « Ballade For Jackie » composée par Baptiste Herbin.