András Dés Trio

Lorsqu’on demande à András Dés pourquoi il a souhaité créer un trio composé d’un percussionniste et de deux guitaristes, il répond « parce qu’István Tóth Jr. et parce que Márton Fenyvesi ! ». Et il suffit de tendre une oreille à l’album pour comprendre le sens de sa réponse. La créativité des musiciens est telle qu’on ne voit pas ce qui pourrait être ajouté à ce trio aux allures d’orchestre.

Tout en finesse, les guitares se mêlent aux innombrables percussions d’András Dés, que ses fils qualifient peut-être le pire chanteur du monde, mais qui s’avère l’un des percussionnistes les plus inventifs actuels, et pas seulement en Hongrie. Sa recherche s’oriente sur la mélodie, et tout est prétexte à souligner les notes des guitares dans cet album entièrement acoustique, hormis quelques effets saupoudrés avec parcimonie.

L’album est politique, le percussionniste hongrois le revendique. Il est question de démocratie, et András Dés nous invite à penser la musique comme une métaphore des systèmes politiques. La symphonie du trio se trouve entre l’autocratie de la musique classique et l’anarchie du free jazz, quelque part où un cadre sous-jacent, suggéré et non limité, presque en filigrane, offre un espace d’échange, d’écoute, et d’expression personnelle. Dans une démarche totalement libre et ouverte, la musique retentit comme une évidence, une harmonie s’élève lentement pour faire éclore l’idée de tolérance, chère au compositeur.

Le titre « Holding Your Hand, 150 Seconds Before Midnight » est la pièce centrale du disque. Elle fait allusion à l’horloge de l’apocalypse, érigée en 1947 par des scientifiques américains, sur laquelle minuit symbolise la fin du monde. Véritable curseur des dangers qui pèsent sur l’Humanité, les minutes qui précèdent minuit sont mises à jour périodiquement. Témoignant, dénonçant même, les choix politiques qui aggravent la situation du globe. La dernière mise à jour de l’horloge remonte à l’élection de Donald Trump. Elle affiche désormais 23h58

Un disque qui remue, qui émeut, qui apaise aussi, car il redonne espoir avec cette musique qui prend le contre-pied de toutes tyrannies et les injustices par sa douceur, sa grandeur et son intelligence.