Chronique

Andy Emler

Running Backwards

Andy Emler (p), Marc Ducret (g), Claude Tchamitchian (b), Eric Echampard (dm)

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

La proximité musicale et amicale du nouveau quartet d’Andy Emler est une évidence qui aurait pu céder à la facilité. Pourtant si le résultat dépasse largement la somme des individualités qui composent cette formation, c’est que chacun trouve le moyen d’épanouir pleinement sa personnalité en la mettant au service d’un travail compositionnel exigeant.

Pensé comme une suite qui décline moins un thème musical qu’une intention générale, Running backwards impose, en effet, une écriture redoutablement mathématique qui n’a jamais été aussi précise chez le pianiste. La souplesse d’une petite forme autorisant une tonicité stimulante, les interactions soutenues entre les musiciens sont le moyen d’un agencement de combinaisons dans lesquelles chaque rouage engendre des phrases qui fusent, éclatent et se fractionnent constamment.

Dans ce jeu de relais et de friction, Marc Ducret et Andy Emler, situés à la croisée de l’harmonique et du rythmique, s’imposent en porte-drapeaux quasi schizophréniques lors d’échanges en duo et/ou duel, leur dialogue tenant à la fois du rebond et de la ligne de fuite. Cadré puis décadré par les assauts du pianiste, le guitariste délaisse quelques uns de ses systèmes de jeu pour répondre à la rigueur de la partition se retrouvant, dans le même temps, assailli par la tension constante que lui fait subir la frappe d’Eric Echampard. Omniprésent tout en étant capable de mille nuances dans le paroxysme, le batteur est à lui seul une mise à feu incessante qui évite cependant les débordements par sa maîtrise du timing.

Car la dynamique générale du groupe est infrangible. Le son circule entre des masses réparties et redéfinies en anamorphose avec une aisance qui est la marque des longues amitiés. Pour consolider les fondations nerveuses de l’ensemble, enfin, la contrebasse épaisse de Claude Tchamitchian, faisant bloc avec la batterie et noire dans sa puissance pulsatile, apporte un liant indispensable.

Au-delà de l’éclat des timbres et de la tonicité du propos (nous serions déjà suffisamment ravis), on entre dans un univers soigné, décontracté mais ferme qui varie les climats en renouvelant tout du long l’intérêt de l’auditeur.