Chronique

Andy Milne/Benoît Delbecq

Where Is Pannonica ?

Andy Milne (p), Benoît Delbecq (p)

Label / Distribution : Songlines

Ce texte s’insère dans un article de fond intitulé « Le jazz et l’électronique »

Andy Milne et Benoît Delbecq se sont connus voici dix-huit ans à Banff, en Alaska, où se tient chaque été une célèbre académie, tour à tour animée par les plus grands, comme Steve Coleman, Dave Holland ou Dave Douglas, pour n’en citer que quelques uns.

Et c’est à Banff, qu’ils se sont retrouvés en janvier 2008 pour enregistrer un album en tous points original, Where Is Pannonica qu’a fait paraître le label de Vancouver, Songlines, en fin d’année dernière.

De leurs deux pianos, disposés ni trop près ni trop loin, après des tâtonnements dont témoigne une scène de la vidéo qui accompagne la musique, jaillit en effet une œuvre comme produite par une antique boîte à musique ou par un piano mécanique du troisième type, qui se veut tour à tour feutrée ou sarcastique, claudicante ou fluide, présente et évanescente, mais toujours totalement moderne et inouïe. Bien malin qui saura dire qui joue quoi, de nos deux compères, qu’ils aient leurs mains sur le clavier, ou dans le ventre de leur instrument, dont ils pincent ou frottent des cordes parfois garnies d’objets car on sait que Benoît Delbecq est l’un des maîtres du « piano préparé ».

Une des originalités de ce disque tient à ce qu’à la musique purement acoustique jaillie de son piano et de celui d’Andy Milne, Benoît Delbecq a ajouté en direct un élément subtilement électronique par l’intermédiaire, en l’occurrence, d’un programme informatique. Ecoutons-le : « Dlooper est un programme sous Max-MSP qui a été écrit à ma demande par Tom Mays » [1] ».

Le programme utilisé par Benoît Delbecq permet grâce à un pédalier de stocker au fur et à mesure des sons joués en direct, et ce sur plusieurs couches, lesquelles viennent s’additionner ou se soustraire. Il poursuit : « J’ai choisi de diffuser cette source via des haut-parleurs placés au fond de la salle, afin de capter les rebonds provenant des murs, dans le but d’évoquer la mémoire d’une musique qui ne s’est pas encore tout à fait envolée dans l’air. »

L’auditeur non prévenu, pourrait parfaitement passer à côté de ces étranges et subtiles réverbérations qu’on entend à la fin d’une pièce comme « Nu-Turn ». Et pourtant, pour aériens et quasi subliminaux que soient les sons captés, transformés et restitués par la machine sous le contrôle du pianiste, on s’attache à leur onirique beauté, qui vient encore renforcer le caractère très original de la musique - largement improvisée - que nous proposent les deux musiciens.

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par Laurent Poiget // Publié le 1er mars 2010

[1Rappelons aux non-musiciens que, selon Wikipédia, Max/MSP est un logiciel de synthèse sonore, d’analyse, d’enregistrement et de contrôle d’instruments MIDI. Il a été développé par l’IRCAM dans les années 1980, et est l’un des logiciels musicaux parmi les plus utilisés par les musiciens, tant professionnels qu’amateurs