Scènes

Anne Paceo Circles au bout du monde - Brest

Au long d’une tournée qui emmène le projet Circles aux quatre coins du monde, de Tanger à Paris en passant par Cannes et Brest, Citizen Jazz croise le chemin d’Anne Paceo (dms, voc), Leïla Martial (voc), Christophe Panzani (ss), Tony Paeleman (cla, bass station) et de l’ingénieur du son Boris Darley, et en ramène quelques confessions, glanées sans mal tant la générosité prime dans ce périple.


Ce vendredi 14 octobre la caravane sonore de Circles est en rade… de Brest. Le menu est copieux, seule façon de faire le plein d’énergie. A midi, impossible d’éviter le traditionnel bol d’air iodé, sous un ciel radieux, suivi d’une dégustation d’huîtres. L’après-midi, après les balances, c’est une heure de direct sur Radio France. L’émission Open Jazz lui est consacrée. On n’est pas tous les ans « Artiste de l’année ». Le soir, à 19h30, le quartet joue dans le grand théâtre du Quartz, dans le cadre du 13e Atlantique Jazz Festival.

Voyage. Débarquement. Préparation. Attente. Jeu. Puis prendre le temps de l’échange et, ailleurs, recommencer. A l’image de sa musique, Anne Paceo prend à bras le corps et avec discipline, les cycles de la vie en tournée pour apprendre, se nourrir, tester :

« Je sais que c’est une chance ! L’agenda est rempli, comment pourrais-je me plaindre de ça ? Je bosse avec des gens que j’adore, que j’ai choisis, avec qui la détente est toujours au rendez-vous. On passe nos journées à rire. Évidemment, le travail est à fournir en conséquence, mais j’ai tourné pendant deux ans avec Jeanne (Added) à un rythme bien plus soutenu. C’est vrai, ce mois-ci, ça enchaîne entre Circles et le projet de Raphaël Imbert Music is My Home, avec qui je tourne en parallèle. Oui, j’ai plusieurs dates à la suite, sur une même semaine, mais avec Jeanne c’était ainsi chaque semaine ! Il ne faut pas exagérer : on a tout de même le temps de rencontrer les gens ! »

La musique.
Olivier Acosta, qui a chroniqué Circles sur Citizen jazz, le relève : « Le style n’est pas la question, car ces chansons échappent à toute étiquette » :

« Je tiens au format chanson. Pas de grille d’impro de trois heures et peu de solo – c’est à dire de moments free, sur des temps indéterminés – vraiment très peu ; car, très honnêtement, je n’en ai plus envie. Même si j’assume totalement mon parcours jazz. Le mot jazz, pour moi, est synonyme de liberté. Liberté de changer, d’explorer. D’aller où on veut. J’ai toujours dit à Mélissa Laveaux, avec qui j’ai tourné trois ans « Tu es jazz » ! Et je suis heureuse de constater qu’elle tourne avec Julien Lourau aujourd’hui [1] ! Ce mot jazz fait encore peur à un certain public. C’est vrai, c’est terrible ces étiquettes. Dans certains projets, l’étiquette jazz sert d’estampille qualité alors que la place de l’improvisation est très faible, et on a d’un autre côté, Jeanne Added, qui a voulu, en quelque sorte, enlever cette étiquette jazz qui la fermait à un certain public. Pourtant sa musique, présentée comme de la pop, évolue chaque soir sur scène ! Jeanne change toujours quelque chose : une harmonie, une façon de chanter, une intonation. Et c’est ce qui explique que le public s’attache à sa musique. Il a l’impression de redécouvrir ses chansons à chaque fois. »

Le son du groupe. Par Boris Darley (ingénieur son maison, embarqué) :

« Je suis là, sur la tournée, pour assurer que chaque soir le son du groupe, le son qu’Anne a façonné, soit joué. Ce son, on l’amène avec nous. Ce soir, le format de la salle, son acoustique particulière [2] ont représenté un défi. D’habitude, je sonorise pour des jauges de 300, 400 places. »

Je lui fais remarquer que l’un des spectateurs assis au troisième rang a avoué son plaisir d’entendre un son « rock » dans ce festival estampillé « jazz ». La remarque n’a pas l’air de lui déplaire, au contraire. Il sourit :

« Il est clairement impossible d’offrir la même expérience sonore à chaque individu dans une salle aussi grande, pourtant, oui, c’est un peu ce que je cherche à obtenir ! ».
« Un enregistrement fait par une autre équipe technique avec d’autres contraintes et d’autres qualités, qui propose son rendu de la musique du groupe, c’est toujours une surprise. Je n’ai pas de prise là-dessus, mais je respecte totalement leur travail et leur champ d’action. C’est toujours intéressant pour nous. »

par Anne Yven , Yann Bagot // Publié le 23 octobre 2016
P.-S. :

Ce concert du 14 octobre a été enregistré par les techniciens de Radio France, pour une diffusion dans le « Jazz Club » d’Yvan Amar : pour savoir si l’expérience en est transfigurée, ceux qui y étaient peuvent l’écouter ici en podcast et revivre le concert en différé. Nous avons la chance d’avoir vécu les deux. Vous pouvez plonger également dans ces dessins pour en saisir une vision. Circles, une musique qui parle aux sens.

[1sur le projet Groove Retrievers, NdlR.

[2Le Quartz est une scène nationale. La jauge est de 800 places assises hors balcon, ndlr.