Chronique

Avishai Cohen

1970

Avishai Cohen (voc, b, elb, p), Karen Malka (voc), Itamar Doari (perc), Tal Kohavi (dms), Jonatan Daskal (kb), Yael Shapira (cello), Elyasaf Bishari (oud, elb), Sherrod Barnes (g), Julian Klain (vln).

Label / Distribution : Sony music

Nul doute que les contempteurs de ce nouveau disque seront légion et ne se priveront pas de rappeler qu’il n’existe qu’un Avishai Cohen, qu’il est trompettiste et rien d’autre. L’argument est aujourd’hui si convenu qu’on en finirait par penser qu’il s’apparente à un réflexe. Surtout qu’en publiant 1970, une collection de pop songs revendiquées comme telles, le contrebassiste ne va pas manquer d’élargir son public bien au-delà des frontières du jazz. Cette expansion est amorcée depuis pas mal d’années, en particulier depuis l’album Aurora en 2009, quand le chanteur avait commencé à poindre derrière l’instrumentiste. Les années new-yorkaises semblent bien loin désormais.

Tout cela ressemble à une histoire de vie. Car voici Avishai Cohen s’assumant comme chanteur à part entière, qui n’en délaisse pas pour autant son instrument fétiche dont il joue (ainsi que du piano) au milieu d’une formation renouvelée, où l’on notera la présence aux percussions d’Itamar Doari, compagnon de route de longue date. Le prétexte de 1970 est simple : il s’agit pour lui d’ouvrir en grand la porte de toutes les musiques qui l’ont nourri depuis sa naissance (en 1970, évidemment) et qui attendaient patiemment le jour où elles pourraient respirer au grand air. On découvre un disque mêlant compositions originales, dont le thème central est souvent l’amour, heureux ou pas (comme « My Lady », « Move On », « Emptiness » ou « Blinded ») ou l’espoir (« Song Of Hope », marqué par l’influence de Bill Withers) ; une reprise épurée – voix, piano, contrebasse – de « For No One » des Beatles ; des chansons en hébreu, dont deux du répertoire traditionnel. Avishai Cohen se cite lui-même avec une reprise de « Its’ Been So Long » déjà publié sur Aurora, n’oublie pas de célébrer ses passions latino-américaines (« Vamonos Pa’l Monte » d’Eddy Palmieri) ou décline en mode funk façon Earth, Wind & Fire un vieux gospel (« Motherless Child »). Un assemblage très composite, on le comprend.

Dans ces conditions, 1970 sera-t-il accepté pour ce qu’il est par celles et ceux qui ont suivi le parcours d’Avishai Cohen depuis ses débuts ? Rien n’est moins sûr car le franchissement de certaines lignes peut s’avérer risqué. Néanmoins, on aurait peut-être tort de faire la fine bouche face à 45 minutes de chansons assumées par et pour le plaisir. Non seulement parce que leur réalisation, à défaut d’être d’une grande originalité, est impeccable mais aussi parce qu’on y sent poindre à tout moment une désarmante sincérité, proche de la naïveté parfois. Comme s’il s’agissait pour Avishai Cohen de s’exprimer à cœur ouvert, ce dernier fût-il celui d’un enfant ou d’un amoureux éconduit.

Et pour mieux savourer les douceurs sucrées de 1970, on préférera le vinyle et ses six titres par face, à l’ancienne. Quitte à remonter le temps et verser dans la nostalgie, autant le faire en utilisant les moyens de transport de l’époque !