Chronique

Barbara Wiernik, Jozef Dumoulin

Eclipse

Barbara Wiernik (voc), Jozef Dumoulin (p, kb), Hugo Read (as, ss), Ramesh Shotham (perc, voc)

Label / Distribution : Mogno

Ce premier album concrétise une collaboration de 5 ans entre Wiernik et Dumoulin. Ces deux se situent bien loin des clichés chanteuse-pianiste : Wiernik a été formée par David Linx, Norma Winstone et Ramamani, une chanteuse indienne ; Dumoulin quant à lui a été élève de Diedrik Wissels et de John Taylor. Eclipse se situe donc à la confluence du jazz et de la musique improvisée, du classique et du contemporaine et de la musique indienne.

Wiernik aime chanter sans paroles, mélange bribes de notes, mélodies souvent plus instrumentales que vocales, accentuations indiennes et quelques poussées opératiques, le tout avec une voix aiguë et un timbre un peu fragile et transparent qui évoque plus qu’il n’en dit. Elle n’hésite pas à se lancer dans des dissonances et des virages serrés, mais sait aussi se retenir et participer à une dynamique de groupe.

Dumoulin montre comment il arrive à mélanger avantageusement le mélodique et le déconstruit, sur Eclipse IV. L’arrangement ingénieux de Leaves (basé sur Autumn Leaves) montre ses qualités d’écriture : un début librement improvisé et doucement bruitiste se construisant lentement et de manière incertaine avant que le thème ne soit chanté. Après un solo de saxophone, l’esprit de musique improvisée se retrouve dans une partie jouée à 4, mais sans soliste privilégié. Son solo sur Loin montre aussi sa polyvalence en tant qu’instrumentiste : il y mélange en peu de temps lignes mélodiques de jazz, accords riches et gestes classiques, avant de clôturer le morceau en disséquant le thème avec un jeu plus « contemporain. »

Read prolonge ce mélange de musique contemporaine et de jazz, alors que Rotham apporte les vitalité et complexité des rythmes indiens, efficaces aussi bien dans les ambiances denses que plus calmes.

Le choix des morceaux montre l’ouverture du duo. Brei Ivane est un arrangement d’un chant traditionnel bulgare, avec un solo de piano durant lequel Dumoulin rappelle sur une note la métrique complexe du morceau tout en improvisant librement. Sarasvati nous emmène du côté de l’Inde et entremêle les percussions vocales de Wiernik et Shotham. L’autre standard, ‘Round Midnight, bénéficie d’une intro au piano qui ne livre que quelques indices bien choisis sur le morceau à venir.

Cet album nous présente une ambiance nocturne et décalée, légèrement étrange, mais intéressante et invitante, passant de moments calmes et étirés à des envolées rythmiques entraînantes.