Chronique

Bart Defoort

The Lizard Game

Bart Defoort (ts), Hans Van Oost (g), Bart de Nolf (b), Jan de Haas (d)

Label / Distribution : De Werf

Bart Defoort fait admirer ses qualités de ténor mainstream moderne dans des formations aussi diverses que le Brussels Jazz Orchestra ou l’Octurn des débuts. Six ans après son premier album en tant que leader, il revient avec une nouvelle formation plus centrée sur les extensions contemporaines du bebop et le funk. Au contraire de son frère pianiste Kris, Defoort ne cherche pas à bousculer les conventions du jazz, mais se plaît à les ré-interpréter en y ajoutant quelques touches moins attendues.

Le saxophoniste signe cinq thèmes, dont les lectures concises mettent bien en valeur les différences. The Lizard Game en question reflète les réflexes rapides que les improvisateurs se doivent de posséder. La mélodie indirecte et rapide du morceau-titre cède la place à celle en pointillés staccato de Busy Inside, par-dessus une batterie à la nonchalance presque reggae. Un Jan de Haas bien en forme, justement, qui se permet de joliment déconstruire sous les pieds de ses partenaires le 12/8 paresseux de Sloam. Du côté du funk, il y a Playground, une aire de jeux bien particulière, où une ligne funky est brisée par des breaks à l’unisson ténor-guitare bousculant notre confort harmonique. Un arrangement riche et un solo de Defoort qui évite les clichés du genre font de ce morceau un très bon moment, et ceci malgré quelques lourdeurs rythmiques dans l’interprétation du 3/4. Le Soul Eyes de Mal Waldron, seul standard de l’album, est introduit par un solo de saxophone impressionant de par son développement des contrastes entre registres et entre rythmes.

Si on ne le sent pas toujours à l’aise sur les compositions du leader, sur ses propres morceaux (il en signe trois) Hans Van Oost est plus expressif, notamment sur deux ballades qui vont bien avec la qualité transparente de sa sonorité. Van Oost prend même le dessus sur la ballade binaire The Law Within and the Stars Above, où il joue des arpèges et double la mélodie à l’unisson avec Defoort, simultanément, et dont le point culminant est un solo de guitare délicatement mélodique. Comme Playground, Mr. Dot va chercher des particularités formelles pour éviter les facilités du jazz funky. Ici, il trouve une mesure en 3,5/4 et un vamp de basse syncopé qui forment la base d’un solo de ténor musclé et plus typé, avec mélismes et hurlements blues.

Sur l’avant-dernier titre, le rapide Strange Things Happen, on sent l’expansivité plus marquée du concert lorsque Defoort profite de l’espace de l’accompagnement de guitare et Van Oost se laisse aller à des lignes bop véloces. Malgré la réverbe qui enlève un peu de tranchant et d’urgence au saxophone, The Lizard Game plaira à ceux qui aiment le saxophone à la fois technique et mélodique, un brin intellectuel mais pas trop, sachant aussi s’amuser.