Chronique

Bauer/Duthoit/Ex

Bouge

Johannes Bauer (tb), Isabelle Duthoit (voix, cl), Luc Ex (acoustic-b)

Label / Distribution : Vandoeuvre

Clarinettiste de haute lignée, infatigable militante des arts vivants, Isabelle Duthoit s’emploie aussi, dans la foulée d’un Phil Minton, à mettre sa voix en résonance, dans les dimensions les plus diverses, du cri au murmure en passant par le roucoulement, le gargarisme, le hurlement, le sifflet, les diverses formes du hululement. Elle convoque les registres de la raucité ou ceux du braillement, quand ce ne sont pas ceux du halètement et du babil enfantin, et j’en passe. Avec Luc Ex, rencontré au sein des formations Sol 12 et Sol 6, organisateur de sons mêlés comme il n’y en a pas deux (à part Veryan Veston évidemment), elle a trouvé le partenaire capable de feindre l’ordre dans le dédale des éruptions vocales. Anarchisme convaincant. D’autant que le tromboniste Johannes Bauer est lui aussi de l’aventure, surprenante mais fascinante.

Des pièces assez courtes, nombreuses (21 en tout), dont les titres sont en soi un programme, avec des couleurs (« Pourpre », « Amarante », « Vermillon », « Carmin », « Anilin », « Ruby »), des matières ou objets (« Sang », « Tomaat », « Coquelicot », « Kirsch »), et un contenu qui conduit de l’effroi au rire en passant par toutes les couleurs thymiques possibles. Sans oublier le rythme, l’accent toujours présent, le sens aussi, car rien n’est plus étranger à la mise en tension des énergies que leur émission brute : tendre vers la musique, contre elle s’il le faut, mais y tendre de façon à rejoindre l’humaine condition. Quelques écoutes vous convaincront. Et si certaines pièces semblent au-dessus des autres, quoi de plus normal ? L’invite est essentielle. Il faut répondre à celle de ces trois furieux amis.