Chronique

Benoît Kilian & Jean-Luc Petit

La nuit circonflexe

Benoît Kilian (grosse caisse horizontale), Jean-Luc Petit (clarinette contrebasse, as, ss)

Label / Distribution : FOU Records

Ce disque n’est pas à mettre entre les mains de n’importe qui. Il faut en effet avoir l’esprit ouvert pour accepter ce que proposent Benoît Kilian et Jean-Luc Petit. Du premier, on retient qu’il participe de la Générale d’expérimentation, un collectif dijonnais de musiciens sans concession qui, très loin des sentiers battus, expérimentent à foison. Du second, on dira qu’il chemine, comme son compère, dans les sentiers les plus escarpés de la musique. La nuit circonflexe est donc, sans aucune surprise, un album où l’improvisation atteint sa forme la plus radicale et où les instruments sont détournés, si nécessaire, de leurs sonorités originelles. Ça bruisse, ça grince, ça craque, ça susurre de toutes parts.

Le premier morceau s’intitule « Gazouillis fragile d’inconsolés soleils ». Gazouillis donc. Reste qu’il ne faut pas chercher le chant mélodique d’un merle ou le roucoulement d’un pigeon. Ces oiseaux-là sont faits d’un métal froid et grondant. Et puis de ce titre, comme des autres par ailleurs, on retiendra volontiers le caractère presque surréaliste. Le larsen, les phrases qui grommellent, les borborygmes, les sons que les musiciens mâchonnent, tout est convié pour faire de la musique. On reconnaît bien entendu la batterie, le sax, la clarinette. Mais c’est de-ci de-là, car le plus souvent on serait bien en peine de savoir s’il s’agit d’un instrument ou d’une vibration issue d’une plaque de fonte, d’acier ou de fer.

Cet album n’est donc pas à mettre entre les mains de n’importe qui. Il faut accepter l’idée d’une musique sans rythme, sans grille harmonique, sans tempo, sans thème ni chorus pour pouvoir entrer dans cet univers. Ensuite, il faut prendre sa tête entre ses mains, se concentrer sur les sons et imaginer qu’ils ont leur propre vie.