Chronique

Big Four

Mind The Gap

Julien Soro (as), Fabien Debellefontaine (sousaphone), Stéphan Caracci (vib), Raphaël Koerner (dm)

Label / Distribution : Autoproduction

Big Four a poussé l’aventure jusqu’à New York pour enregistrer ce nouvel album, plus précisément au studio Water Music. Tony Malaby s’est joint au quartet sur trois morceaux, dont un de sa main, « Floating Head ». Quant au mixage de Mind The Gap, il a été confié à Amandine Pras, déjà été remarquée aux côtés d’Andy Milne et Benoît Delbecq pour Where Is Pannonica ?. Un disque né sous de bons auspices, donc.

Big Four, c’est d’abord une instrumentation inhabituelle - saxophone alto, vibraphone, sousaphone, batterie -, au service des compositions de Julien Soro, pour une musique qui puise dans l’écrit la force de l’improvisation collective. Cette association de deux percussionnistes et de deux soufflants permet un travail important sur les rythmes et les timbres, très contemporain. Mais la musique de Big Four, ce n’est pas que cela : ces quatre-là entretiennent la jubilation, le plaisir du jeu au sens plein du terme.

Certains morceaux sont enlevés, rythmiquement complexes, puissants, urbains - tels « Sound Of Divorce » ou « After A Dance Or Two, We Sit Down For A Pint With Gil And Tim » - d’autres apaisées, posées comme une respiration (« Hymne aux lucioles »), ou plus sombres, envoûtantes (« Comète », où les lignes entrecroisées de Soro et Malaby tissent une merveille de discussion portée par Fabien Debellefontaine, Stephan Caracci et Raphaël Koerner. Soro, au saxophone alto, est incisif, véloce, et sa sonorité acide trouve en Malaby un partenaire parfaitement complémentaire, enrichissant ainsi les perspectives du quartet devenu quintet. Il faut dire qu’il existe une véritable communauté de langage entre le ténor et ses hôtes. On sent l’Américain dans son élément au sein de Big Four. En témoigne sa superbe version de « Floating Head », avec un Koerner bondissant, tout en légèreté, et un tuba inspiré. On connaît l’amour de Malaby pour cet instrument : avec son sousaphone, Debellefontaine lui a sûrement donné des idées. Si on ajoute « Drink A Drink » qui, introduit par un Julien Soro, rappelle Martin Küchen à la tête du quartet Exploding Customer, et le très beau et passionnant « Only Two » qui conclut le disque, on a avec Mind The Gap une belle réussite aux ambiances variées, aux idées joliment exploitées, et une rencontre réussie avec Malaby qui semble aller de soi. On est simplement frustré de ne pas retrouver l’Américain sur l’ensemble des morceaux tant ce quintet fugace propose une musique encore plus riche de possibilités.