Chronique

Boulou et Elios Ferré

Brothers

Label / Distribution : Harmonia Mundi

Voici un disque où la modernité épouse la tradition, où l’élégance est omniprésente et l’intemporalité en mouvement perpétuel. La réunion des deux fois deux frères est une belle rencontre, avec du jazz à tous et pour tous les étages. Il s’ouvre sur un joli thème à trois temps joué à l’unisson par les Belmondo (pas frères pour rien) où les solos s’enchaînent merveilleusement. On savoure alors la guitare de Boulou Ferré, sentimentale et poétique à souhait, au joli toucher si sensible (« Brothers to Brothers », « Place des Vosges »), le sax de Lionel Belmondo au timbre juste et doux (« Cartes sur table ») et aux envolés bop (« Soir de Paris »), la guitare interrogative et mystérieusement vraie d’Elios Ferré [1](« Jardin à la française »), le velours et le jazz impérial de Stéphane Belmondo, toujours présent au bugle et à la trompette, l’apport discret mais indispensable du fidèle Alain Jean-Marie au piano, sans oublier bien sûr la contrebasse - et quel son ! - de Pierre Boussaguet.

Les personnalités s’expriment tour à tour dans un parcours et un respect communs : le jazz. Le dialogue s’installe, mêlant intégrité, goût et caractère, sans oublier l’humour et les clins d’œil aux grands thèmes jazz et classiques, le tout en parfaite harmonie, avec une poésie parfois lyrique et sur des rendez-vous, des arrangements tout simplement beaux - signés notamment par Vladimir Kopats - avec un quatuor à cordes venant appuyer cet échange (« Faiseur de pluie », « Jardin à la française ») ; ici le classique se mélange heureusement avec le jazz.

On connaît les frères Ferré (fils de Pierre « Matelot » Ferré, déjà moderne
en son temps…), qui viennent du jazz dit « manouche ». Ils l’ont beaucoup pratiqué, le pratiquent toujours [2], et on le sent bien sur « La bande des trois », valse qui rappelle l’univers de Django ou du trop peu connu oncle Sarane Ferré (fameux valseur). Mais le sommet est atteint lorsqu’ils abordent un jazz plus innovant, flirtant avec la musique classique (la belle introduction de Boulou Ferré sur la ballade de Sacco & Vanzetti d’Ennio Morricone (avec des réminiscences de Bach). On sait aussi que les frères Belmondo, de leur côté, parcourent la planète jazz en tous sens ; la rencontre était inévitable.

Le disque s’achève sur une note d’émotion avec un choral de Bach -
prolongement et cheminement d’un beau geste gracieux et tendre qui va au plus profond de l’âme.

par Giuseppe Aventura // Publié le 29 décembre 2008

[1Qui signe avec brio la plupart des titres de l’album.

[2Et toujours sur leurs belles guitares type Selmer, répliques des instruments jazz des années 40.