Scènes

Brussels Jazz Marathon 2003

Compte rendu de cet événement annuel, qui s’est déroulé du 23 au 25 mai


Deux jours de pluie n’ont pas dissuadé les Bruxellois de venir à leur rendez-vous annuel avec le jazz : 400 artistes et 125 concerts sur trois jours, on m’excusera de ne pas avoir tout vu de cette programmation 100% belge

D’un côté, les scènes gratuites en plein air : les stars du jazz belge sur la Grand’Place et au Sablon, du blues et du groove sur la Place Sainte-Catherine, et enfin, un nouveau podium ouvert Place Fernand Cocq.
De l’autre, de très nombreux concerts disséminés dans les bars, hôtels et restaurants du centre de Bruxelles, sans oublier les clubs de jazz, bien sûr.

Vendredi 23 mai

Nathalie Loriers est une des pianistes les plus renommées du pays. Avec son projet « + Extensions » (écouter Timbouctou (De Werf)), elle ajoute trois souffleurs (Frank Vaganée (as), Kurt Van Herck (ts), Laurent Blondiau (tp)). Cela donne une musique non dénuée de recherche mélodique et rythmique et un bon niveau de jeu général, mais pour moi, cela ne dépasse pas le stade de l’agréable et du joli. Un duo funky entre l’alto et le ténor en fin de concert a tout de même apporté un souffle de liberté.

Ben Sluijs a l’air de tenir un jouet : quand on mesure deux mètres et qu’on a les épaules carrées, l’alto se fait tout petit. Son quartet habituel (Erik Vermeulen (p), Piet Verbist (b), Eric Thielemans (d)) montre qu’il y a encore beaucoup d’espace dans le bop pour créer une musique personnelle, surtout si on n’hésite pas à s’aventurer dans le free ou la musique contemporaine. à plus forte raison si l’on combine un saxophoniste au son pur et léger, un pianiste aux phrases torturées et un batteur qui combine swing et trash.

Le trio ténor-guitare-batterie Animus Anima s’est retrouvé au fond d’un bar pour jouer un jazz-rock débridé et festif. Le saxophoniste et le guitariste collaboraient déjà dans Le joli mois de mai, tandis le batteur jouera le lendemain avec le Rêve d’Eléphant Orchestra. Distrayant, mais le minimalisme instrumental de la formule me donne une impression de vide à combler.

Dans le décor tout en courbes rouges du Studio Athanor, Ntoumos, le groupe du trompettiste Daniel Ntoumos offre un électro/hip hop/jazz d’un bon goût irréprochable. Quand le DJ passe des a cappella de Q-Tip ou de Mos Def, la fusion enregistré/live passe parfaitement.

Samedi 24 mai

Cette année, le concert à ne pas manquer reste celui du Rêve d’Eléphant Orchestra au Théâtre Marni, avec le même personnel, et partiellement le même répertoire, que sur l’excellent Racines du ciel. Avec ce groupe, on peut parler de world music au sens propre : de multiples éléments disparates dans l’espace et le temps se fondent dans l’imaginaire du groupe pour créer un nouvel imaginaire collectif, à la fois dépaysé et enraciné. J’attends avec impatience les multiples projets annoncés pour mai 2004.

Avant, sur la Grand’Place, et après au Sounds, était programmé AKA Moon. Que dire de ce trio (augmenté du pianiste Fabian Fiorini lors du premier spectacle) qui n’ait déjà été dit ? Encore deux concerts bourrés d’énergie et de vitalité ? Que ceux qui ne connaissent pas encore se précipitent sur leur site pour découvrir les leaders de la scène belge contemporaine.

Dimanche 25 mai

Les dimanches du Jazz Marathon sont traditionnellement programmés par Les Lundis d’Hortense, l’association belge des musiciens de jazz. L’année dernière, sur la Grand’Place, le Rêve d’Eléphant Orchestra avait clôturé le Marathon de façon inoubliable. Cette édition n’a pas atteint les mêmes sommets.

Le bassiste Sal La Rocca a bénéficié d’un ensoleillement inattendu au vu de la pluie des journées précédentes ; malheureusement la musique n’était pas aussi radieuse. Si Bruno Castellucci a été impeccable derrière sa batterie, et si le pianiste Kris Goessens a eu quelques occasions de briller, les deux guitaristes Peter Hermans et Jacques Pirotton étaient plutôt transparents. Les compositions assez légères de La Rocca ne m’ont guère inspiré, et à eux non plus apparemment. En revanche, sur Blue Monk, seul standard du concert, Hertmans et Pirotton ont pu se laisser aller à un shuffle blues pur jus.

Musique à 9 est un projet mené par le pianiste Pirly Zurstrassen. Comme son nom l’indique, on y retrouve neuf musiciens : trois violons, clarinette, saxophone, tuba, accordéon et percussions. Un tel assemblage, ainsi qu’une présentation les décrivant comme étant « à la croisée jazz, classique, musiques traditionnelles », ne pouvait qu’allécher. Malheureusement, on peut résumer le concert en disant que c’était une chanson italienne, une chanson moldave, une chanson ceci, une chanson cela… Peu de « valeur ajoutée » au-delà des emprunts à divers folklores.

La musique est bien jouée et dansante, l’écriture recherchée, mais le tout quelque peu superficiel : la forme compte plus que la flamme et la passion qui font l’âme de ces musiques traditionnelles. Ma préférence va
au seul morceau qui ne revendique aucune influence tout en sonnant comme une musique traditionnelle réellement habitée.

Une tradition propre au Jazz Marathon est la jam menée par ce virtuose de la basse électrique qu’est Daniel Roméo. Avec quelques compères, il a proposé pour finir un jazz-funk dynamique qui a fait remuer le Studio Athanor jusque tard dans la nuit…