Chronique

Bud Powell

Jazz Giant

Bud Powell (p), Ray Brown, Curly Russell (b), Max Roach (d). Recorded February 1949 and February 1950 in New York City.

Label / Distribution : Verve / Universal

Bud Powell for ever

Voici le disque d’un géant du Jazz, réédition inspirée qui fait (re)découvrir des prises de février 1949 et 50, imposées par le producteur Norman Granz, convaincu d’œuvrer pour la scène jazz de l’époque. Et dont on ne peut que reconnaîre et admirer l’intuition.
Il faut écouter ça, et cela surprend encore en ce début de vingt-et-unième siècle.
A condition d’aimer le bop, avec Bud on touche l’évidence : il demeure incontestablement celui qui a donné au du clavier de multiples brillances, de surprenantes étincelles. Qui peut ne pas être touché par cette simplicité apparente, ce swing lumineux et incandescent ?
A l’heure où fleurissent des pianistes soi-disant sublimes qui s’acharnent à continuer et à actualiser (?) la formule rebattue du trio- Brad Mehldau , Bill Carrothers…quand ceux-là mêmes s’essaient en solo, croyant braver des interdits, écouter Bud Powell dans ses compositions énergiques « Tempus fugue-it », « Celia », « Strictly confidential » répare une certaine injustice : pour un peu, comme Bud fait partie de notre paysage musical, on l’oublierait. Et on aurait tort. Volubile, souple, véloce, ayant du goût pour les mélodies, il traite aussi les standards avec délicatesse comme dans ce piano solo de « Yesterdays ».

Parler de Bud avec amour n’est pas donné à tous, n’est pas Francis Paudras qui veut.
Francis, qui fut l’ami fidèle, l’ombre attentive, l’amateur fou.
Le pianiste qui manquait parfois d’équilibre dans sa tête, voire dans sa vie, donne à tous les suiveurs actuels, une magistrale leçon d’ émotion, et de recherche. Son éblouissante technique, inspirée à ses débuts par Art Tatum et Thelonius Monk, exprime une vraie personnalité, qui place la musique avant tout, de toute façon. Sur la photo de la jaquette, il est « habité » par ce qu’il entend, encore que ce terme galvaudé aujourd’hui, ne traduise plus la passion qui l’animait . Lui pour qui la musique soignait provisoirement ses fêlures et nombreuses blessures.
Accompagné de Max Roach au drums, et Roy Haines ou Curly Russell à la basse, selon les plages et les jours de session, ces trios miraculeux écrivent une histoire qui vient de plus loin, qui énonce les formes d’une certaine modernité, pour l’éternité.

Libre à vous d’ être attentif à ce rendez-vous, mais comment ne pas être infiniment reconnaissant à « Earl » Bud Powell d’avoir joué ce programme ?