Chronique

Bussonnet, Collignon, Godin, Vaillant

Wax’In

Philippe Bussonnet (elb), Médéric Collignon (voc, cnt, elec), Christophe Godin (g), Franck Vaillant (dms).

Label / Distribution : Le Triton

« Tiens, vous avez sorti le vitriol ? » Personne n’a oublié cette question posée par Robert Dalban à ses comparses Tontons Flingueurs dans la scène désormais culte de la cuisine du film homonyme. Parce qu’au vu du pédigrée des quatre lascars qui ont uni leurs forces pour accoucher de Wax’In, on serait volontiers tenté d’établir un parallèle avec ce temps fort d’un film entré dans l’histoire. Attention, c’est du très lourd, avec une propension à faire voler en éclats tous les repères stylistiques. Jazz, rock, rock progressif, musique contemporaine... Là n’est pas la question, tant la musique délivrée (prenons ce mot dans toutes ses acceptions) par ces furieux aux allures de garnements se moque bien des catégories. On peut toujours se poser la question des influences, débusquer ça et là des apparentements crimsoniens, magmaïens, davisiens ou autres, l’exercice tournera court. Ici, c’est d’abord un sentiment d’urgence qui prédomine, une volonté de passage en force acoquinée à une virtuosité à tous les étages. Ça souffle fort et ça coupe le souffle en même temps.

Pour commencer, la rythmique n’est pas de celles qui s’en laissent conter : on connaît les tendances à faire feu de tout fût de Franck Vaillant, batteur inclassable et indomptable, adepte des explorations multidirectionnelles ; associez-lui l’énergie sombre de Philippe Bussonnet dont la basse gronde depuis plus de vingt ans sur la planète Kobaïa de Christian Vander, sans oublier son rôle de passager intergalactique de l’Electric Epic de Guillaume Perret, et vous aurez réussi sans le moindre adjuvant à mettre le feu en un tournemain. Une puissance ravageuse, une très nette tendance à la démesure et le compte est bon. La machine peut avancer sans qu’aucune résistance ne lui soit opposée. Encore n’est-ce là que la moitié des forces en présence, le reste du quatuor étant constitué de deux furieux artificiers qui s’y entendent plutôt bien dès lors qu’il s’agit de jouer les pyromanes. C’est d’abord Médéric Collignon, insatiable feu follet, brûlant du cornet, des cordes vocales comme des claviers, lui-même adepte des musiques cinématographiques (il faut à tout prix réécouter son MoOvies qui restera un des grands bonheurs musicaux de l’année 2016), animé d’une agitation perpétuelle qui en a fait l’un des musiciens les plus atypiques (et sympathiques, aussi) de la scène hexagonale. À ses côtés, Christophe Godin, un rocker pur jus, capable de dégainer plus vite que son ombre des chorus de feu empruntant aussi bien au jazz rock qu’au hard rock. Un type qui sait faire parler la poudre, qu’on se le dise...

Le temps mort n’existe pas ces chez quatre-là, les sept compositions qui constituent Wax’In s’enchaînent sans le moindre répit, dans une foudroyante arythmie à peine suspendue par un « Raja » signé Franck Vaillant. Chacun des protagonistes y est allé de sa contribution, celle-ci étant mise au service d’un véritable groupe dont on ose espérer que ses lendemains continueront de chanter longtemps et toujours plus vite, plus haut, plus fort. Ce disque est publié sur le label du Triton, une scène que ces quatre garçons dans le grand vent connaissent bien, mais qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion de fréquenter en même temps. On saura donc gré à Jean-Pierre Vivante, le patron des lieux, d’avoir réuni ce Power Quartet, en commençant par une résidence au mois de décembre 2015. Parce que ces musiciens de l’extrême ont à l’évidence encore beaucoup d’histoires à raconter tant leur réserve d’énergie semble inépuisable.