Carlo Nardozza Quintet

Quel plaisir que de pouvoir écouter sans préjugé ! En effet, avant de recevoir Making Choices, le premier album de Carlo Nardozza, trompettiste belge de 24 ans, le chroniqueur n’avait jamais entendu parler ni du leader, ni de ses accompagnateurs. La surprise n’en a été que meilleure : sans être révolutionnaire, cet album démontre une fraîcheur et une créativité non négligeables.

Dès les premières notes, on entend un trompettiste venu tout droit du hard bop de Clifford Brown ou Lee Morgan, mais qui puise ses mélodies dans son héritage italien. Ses déclamations lyriques retiennent l’attention grâce à un timbre riche et plein et un jeu assuré. Belle complicité avec Daniël Daemen, autant sur le thème de « Down To Bernina », où ils créent un fabuleux nuage sonore grâce à une mélodie circulaire et un jeu en écho, que dans les passages où les deux souffleurs entrelacent leurs lignes, sans autre accompagnement.

Electron libre, le néerlandais Melle Weijters cite comme influences Jim Hall, Bill Frisell et Ben Monder. Il mêle ou juxtapose ainsi jazz et rock, bruitage et délicatesse de façon instinctive avec une grande subtilité. Le dernier morceau de l’album est une surprenante version de « My Romance », inspirée par la collaboration de Weijters avec un joueur de kora africain : la guitare acoustique n’est accompagnée que de toms lointains, et ce standard - à peine reconnaissable - devient une méditation qui rappelle le My Goal’s Beyond de John McLaughlin. A l’inverse, « Rubber Duck » démarre en trombe et se conclut avec un solo de guitare électrique explosif. En tant qu’accompagnateur, Weijters se fait discret quant au volume, mais très imaginatif : les traditionnels block chords ne sont pour lui qu’une manière parmi d’autres d’aborder ce rôle.

En plus de l’apport de Weijters, la patte mélodique de Nardozza et l’esprit de groupe, très contemporain, du quintette, apportent le brin d’imagination qui fait de Making Choices autre chose qu’une nième redite hard bop. Les arrangements laissent peu de place aux passages routiniers soliste-plus-accompagnateurs ou aux interminables séries de solos. Par exemple, dans plusieurs morceaux le style et l’orchestration de l’accompagnement varient au fil des chorus. Ailleurs, comme dans Comba, lente marche à l’ambiance méditerranéenne, les solos amplifient les compositions, atteignant ainsi une belle unité. A aucun moment on n’a l’impression d’une expression individualiste, bien au contraire.

Imagination, personnalité et naturel font de Making Choices un album à la fois riche et facile d’accès.