Chronique

Charlier / Sourisse

Imaginarium

B. Sourisse (p, Hammond B3), A. Charlier (dm, perc), A. Sipiagin (tp, flg), P. Perchaud (g, bjo), J.-M. Charbonnel (cb), F. Alleman (cl), S. Guillaume (as, ts)

Label / Distribution : Gimini Records

Il y a les disques qu’on possède depuis toujours et qu’on écoute toujours avec le même plaisir, ceux qu’on n’écoute plus jamais ou si peu (on devrait peut-être se demander pourquoi), ceux qu’on attend et qui ne viennent pas à nous, ceux qu’on reçoit et qui déçoivent… et puis ceux qu’on n’attendait pas ou plus et qui s’immiscent dans nos oreilles étonnées avec un bonheur inattendu… Imaginarium est de cette dernière famille.

Pour son quatrième disque, le duo Charlier/Sourisse (compositions et arrangements) renouvelle répertoire et personnel (le trompettiste Alex Sipiagin débarque tout exprès de New York) pour onze petites merveilles bigarrées, chaloupées, virevoltantes, insolites et insolentes avec un swing et un groove constamment présents, délivrées par des donneurs (au sens de faire offrande) de musiques avec autant de jubilation que de magnanimité. Une pointe de mélancolie passagère avec « Conte utopique à pistons », un jeu subtil (« Le chat et la souris ») entre un Pierre Perchaud et un Alex Sipiagin qui semblent se courir après, un hommage raffiné au bâtisseur de rêves follets Ferdinand Cheval (« La chanson idéale du facteur Cheval », thème à motif répétitif que l’on fredonne ensuite avec émotion…) Quant à « L’afrobeat improbable », c’est probablement la composition plus emblématique du groupe, avec un déboulé inaugural de Stéphane Guillaume, des interventions en solo de Benoît Sourisse qui nous rappellent que cet organiste sait ce qu’orgue veut dire, et raconter une histoire sans avoir besoin d’en rajouter. Notons aussi le solo d’Alex Sipiagin sur « Flying Fox (le jour) » : tout en jouant beaucoup de notes il semble en fait n’en exprimer qu’une seule, mais essentielle, primordiale… et la clarinette labyrinthique de Fabrice Alleman dans le rythme serein de « Spirit of Fables » ; sans oublier le joyau qui clôt l’album, « Flying Fox, la nuit », où Perchaud se hisse à la hauteur de Jim Hall. L’ensemble de ces pièces, histoires, contes, paraboles ou fables doivent beaucoup au soutien permanent, irréprochable d’André Charlier avec cette tendre pugnacité, ce sens de la ponctuation et de la relance qui est la marque des percussionnistes de talent.

Un désir d’évasion poétique : Imaginarium.