Chronique

Cholet Kanzig Papaux Trio

Exchange

Jean-Christophe Cholet (p, rhodes), Heiri Känzig (b), Marcel Papaux (dms)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

Le chemin qui mène le pianiste Jean-Christophe Cholet vers ses deux comparses suisses, le batteur Marcel Papaux et le contrebassiste Heiri Känzig, est celui du retour. Pas vraiment du retour en arrière - plutôt du retour aux sources. De celles qui régénèrent une musique en constante évolution dans un creuset connu. Celles d’un trio classique, considéré comme l’un des meilleurs d’Europe, qui signe avec Exchange son septième disque (le premier sur le label Neuklang). On aurait pu penser qu’en tant d’albums, les musiciens s’étaient tout dit, qu’ils avaient visité tous les climats, cherché les camaïeux de toutes les couleurs.

Mais il est des orchestres qui remettent sans cesse l’ouvrage sur le métier et continuent de tisser. Ici, une subtile introduction au Fender Rhodes souligne le jeu preste du piano et offre de nouvelles interactions. En doublant le piano sur le troublant « Diss », par exemple, au centre de l’alliance parfaitement fluide de la rythmique, il sonne comme un écho étrange et profond. C’est là une voie nouvelle à explorer, mais elle ne constitue nullement le sujet central. Souvent, en effet, le Rhodes s’efface pour laisser le triangle deviser dans une configuration plus traditionnelle. Il serait cependant faux de croire que chacun est à sa place et bien décidé à y rester. La batterie de Papaux, notamment, est bien trop coloriste pour se contenter des tâches rythmiques. Un morceau comme « Because of Schumann », qui rappelle l’influence particulière de la musique classique dans le propos du trio, lui permet de faire chanter le métal des cymbales.

Exchange porte son nom à merveille, à commencer par le morceau-titre central où le Fender vient s’immiscer dans la rondeur tonique de la contrebasse. C’est bien la relation familière entre chaque pointe du trio qui est célébrée ici, avec une réjouissante sérénité. L’échange est si naturel qu’il se passe de recettes et de formalisme. Sur « Last Circle », Känzig et Cholet se partagent un thème très mélodique que le batteur déconstruit avec abnégation. Il ne s’agit pas de l’éparpiller en brisures abstraites, mais de le froisser pour libérer une grande énergie. Elle afflue de toute part dans cet album qui frappe par son unité et sa solidité.