Chronique

Christian Brazier

Lumière

Thierry MAUCCI (as, ts) Philippe RENAULT (tb) Christian BRAZIER (db) Philippe DESCHEPPER(g) André JAUME (ts, bcl) Akosh SZELEVENYI (cl, ss, ts)

Label / Distribution : CELP/ Allumés du Jazz

Le contrebassiste Christian Brazier avoue une relation privilégiée à l’océan, qu’ il a sillonné pendant sa jeunesse, et à la Méditerranée qui a su le retenir par sa lumière crue et insolente. Aussi les huit pièces assez longues, qu’il a toutes composées pour cet album, traduisent cet appel vers un ciel pur, assurément sans nuages mais « tragique à force d’azur » parfois, comme le soulignait Giono. La peinture des chantiers navals de la Ciotat de Jean Pierre Giacobazzi, sur la pochette, illustre ce travail souvent ingrat du peuple de la mer.

Pourtant c’est au voyage imaginaire, au chant intérieur irrépressible, qu’est vraiment sensible Christian Brazier. Il traduit pour nous ses émotions dans cette musique qui s’inscrit sans équivoque dans la tradition du jazz. Aisément identifiables dès Lumière, le premier titre de l’album, incandescence, résonances free, souffle tellurique, frappe, emballement, voire « danse en transe » comme dirait cet (autre) allumé du manche, Claude Barthélémy, tous les éléments sont là . Apparaissent délibérément dans cet album lumineux, vibrant, poétique et éclatant, la variété des thèmes, des climats traversés dans une géographie imaginaire aux directions désorientées.
Quant à l’instrumentation, elle a tout de la performance et de l’échange : au quartet de base (saxophone, trombone, contrebasse et batterie) déjà présent dans le précédent album, Le temps d’un rêve se rajoutent deux autres souffleurs André Jaume, un des musiciens incontournables du Sud, instrumentiste inventif, et chaleureux, cofondateur du label CELP, Akosh S. avec lequel Christian Brazier travaille depuis deux ans, et aussi le guitariste sculpteur de son, Philippe Deschepper, épris lui aussi de Marseille .

Ainsi le Loup garou des forêts de Transylvanie se réincarne-t-il dans le feulement de la clarinette métal d’Akosh S. qui crie, hurle mais aussi jubile dans cette mélodie sur mesure, festive, inspirée de la tradition tout en la retraversant avec une certaine folie ; dans Tout, tout de suite, Christian Brazier, fidèle à l’esprit même du jazz, voulait voir s’affronter en une poursuite seulement musicale les brillants saxophonistes, Akosh S et Thierry Maucci, le complice de toujours, alors que dans la Marche des Gallinacés, c’est à l’unisson au contraire que trombone et saxophone vont de pair en s’enroulant l’un à l’autre.

Dans cet ensemble clos interviennent des personnalités visiblement contrastées qui se surimposent et s’ajointent avec délicatesse. Ainsi en est-il des souffleurs, trois générations différentes qui forment une même famille. De ces univers éclatés naît une certaine harmonie, et il en résulte une vraie lumière, où le jazz sait trouver son chemin. Ce disque, en vérité, ne manque pas de cohérence. Et s’il déploie un lyrisme tendre dans un langage musical où se fondent nombre de références aimées, l’ensemble sait garder unité et originalité.

Si Christian Brazier est « entré dans le jazz par le free », plus encore que le style, ce qui le séduit c’est le travail sur le son. Et après avoir écouté cet album, on est convaincu qu’il a sa place aux côtés de ceux qui font l’actualité. C’est d’une évidente clarté.