Chronique

Christoph Irniger Pilgrim

Big Wheel

Christoph Irniger (ts), Stefan Aeby (p), Dave Gisler (g), Raffaele Bossard (b), Michi Stulz (dms)

Label / Distribution : Intakt Records

Stabilisée depuis la sortie d’Italian Circus Story, Pilgrim, la formule en quintet de Christoph Irniger assume une musique énergique qui compte beaucoup sur les individualités de l’orchestre. Le présent live, enregistré pour Intakt Records en novembre 2015 lors de plusieurs concerts allemands, en témoigne naturellement. On connaît le jeu ferme mais peu directif du saxophoniste, et sa manière de se situer au centre de l’antagonisme moteur qui oppose le pianiste Stefan Aeby et le guitariste Dave Gisler. Ce mode de fonctionnement était déjà celui des albums studio, mais dans les formes plus ouvertes des concerts, il prend une importance supplémentaire. C’est le cas sur l’inquiétant « The Kraken » où piano et ténor jouent des motifs répétitifs griffés par l’électricité de la guitare.

Plus sans doute que le précédent album, Pilgrim manifeste la tentation de confronter au rock un propos qui pourrait sembler très commun au premier abord. « Acid » par exemple est un thème qui s’inscrit dans un jazz contemporain, soutenu par une base rythmique structurée et volubile constituée du batteur Michi Stulz et le contrebassiste Raffaele Bossard, deux précieux fidèles. Mais dans ce morceau assez long, tout évolue très rapidement. Les ostinati bâtisseurs se désagrègent peu à peu tel un tricot qui s’effiloche, faisant place à des instants plus abstraits où le saxophone s’abandonne à la douceur, gardant néanmoins toujours la puissance de la batterie à proximité, tout en conservant ses distances avec le grondement lointain des cordes de Bossard et Gisler.

Avec Big Wheel, l’instinct joyeux de Pilgrim est livré à lui-même ; il prend le temps d’offrir quelques solos remarqués, notamment la prise de parole rageuse et un tantinet sale de Gisler sur « Falling II » où l’on pensera fugacement à un musicien comme Ben Monder. Irniger laisse beaucoup d’espace à ses compagnons, principalement en leur confiant l’écriture de nombreuses pièces. C’est un trait familier à tous ses orchestres. Cela ne l’empêche pas d’affirmer sa forte identité. Big Wheel est une description précise de la belle efficacité de cette musique décidément joliment colorée.