Portrait

Christophe Marguet

Portrait musical du batteur


Au détour de conversations portant sur son travail, Christophe Marguet fait souvent référence, pour la batterie mais plus généralement le travail musical, aux « grands frères » américains, aux artistes qui l’ont subjugué, inspiré. Charles Mingus, Miles Davis, Charlie Parker, John Coltrane, Thelonious Monk, Bill Evans, Hank Mobley… La liste est longue et vous la connaissez.

Mais il les évoque comme on parle de la famille, s’abandonnant facilement au silence pour peu qu’un de leurs disques tourne. Il continue de puiser dans cette histoire du jazz ce qui caractérise aujourd’hui sa musique. L’élégance du ternaire, le sens de l’espace et de la mise en forme des grands esthètes, le lyrisme, la capacité d’abandon, mais aussi ce qui constitue pour lui une préoccupation majeure, le son d’orchestre.

Ainsi son premier disque, Résistance poétique, fera office de manifeste. Sa musique est là, profonde, lyrique et ouverte aux fragilités comme aux déferlements. Le réécouter aujourd’hui montre combien le batteur aura, durant les 22 ans qui nous séparent de sa sortie, continué de creuser son sillon, de parfaire son identité de musicien et de compositeur.

Le goût d’explorer et l’appétit pour les formes le conduiront pourtant à donner naissance à des disques aux esthétiques disparates. Durant plusieurs années, Christophe Marguet défrichera des champs esthétiques sans se départir de la mélancolie qui caractérise ses mélodies. Elles seront, notamment sur Ecarlate ou Réflections, griffées d’électricité, chahutées par des rythmiques anguleuses.

C’est toutefois à ses premières amours que revient le batteur, et à ses Résistances poétiques, désormais un nom de groupe, en constituant un quartet avec Sébastien Texier, Bruno Angelini et Mauro Gargano, bientôt rejoints par Jean-Charles Richard pour leur troisième disque, Pulsion. Cette formation est la seule qui ait réalisé plusieurs disques. Pourtant, le temps laissé aux répertoires et surtout aux groupes est une réelle préoccupation pour le batteur. Et s’il est de ceux qui ont « joué avec tout le monde », il s’illustre en premier lieu par l’importance qu’il accorde aux bienfaits des complicités durables, et évoque prioritairement la densité du son de groupe au sortir d’un concert.

Christophe Marguet et Henri Texier par Olivier Acosta

Le long cours est familier au batteur. Impossible de ne pas évoquer son rôle prépondérant dans les orchestres d’Henri Texier, ses rythmiques lovées dans les lignes de Claude Tchamitchian, Yves Rousseau ou Hélène Labarrière, sa complicité avec Sébastien Texier ou, pour rejoindre son actualité, le travail effectué en profondeur avec Daniel Erdmann ou Guillaume De Chassy.

Pas question pour autant de se contenter de cette zone de confort, que les contingences rendent pourtant si difficile à obtenir. Les rencontres font également partie de son hygiène de vie de musicien, et plusieurs groupes sont nés de sessions informelles où l’on se réunit pour laisser la musique advenir. Ainsi ont émergé des groupes comme le trio avec Géraldine Laurent et Manu Codjia (Looking For Parker), son sextet franco-américain responsable du magnifique Constellation, ou le tout récent quartet Old & New Songs avec Yoann Loustalot, François Chesnel et Frédéric Chiffoleau.

Se confronter à différentes formes de jazz a pu constituer une sorte d’apprentissage, une période de gourmandise dont témoignent des disques magnifiques caractérisés par des champs esthétiques qui n’ont aujourd’hui d’influence sur sa musique que sous forme de réminiscences, comme autant de fragrances discrètes mais essentielles à un bouquet.

Le batteur et compositeur revendique son attachement au chant, à la danse, aux bases fondamentales du blues et du jazz, tout en continuant de développer sa signature. Ce que reflète justement sa dense actualité.

par Olivier Acosta // Publié le 22 avril 2018
P.-S. :

Sébastien Texier & Christophe Marguet Quartet - For travellers only
Concert au Triton le 25 février 2017.

Sébastien Texier : saxophone
Manu Codjia : guitare
François Thuillier : tuba
Christophe Marguet : batterie