Tribune

Cogito ergo sum !

Citizen Jazz soutient la création culturelle depuis des années. Le monde du jazz est par définition un monde créatif, métissé. Mais les musiciens, les artistes, les acteurs de ce monde sont confrontés à la précarité, à l’intermittence, à la violence de la loi du marché…


Qui assumera l’héritage de mai 2007 ?

L’élection de Nicolas Sarkozy est un fait démocratique indiscutable. Citizen Jazz en prend acte et ne participe à aucun appel à l’insurrection, ne lance aucun anathème ni aucune menace.

En revanche, comme nous l’avions annoncé avant le scrutin, nous sommes inquiets pour le secteur culturel. Nous sommes et resterons donc vigilants.

Citizen Jazz soutient la création culturelle depuis des années. Le monde du jazz est par définition un monde créatif, un monde métissé. Mais les musiciens, les artistes, les acteurs de ce monde sont confrontés à la précarité, à l’intermittence, à la violence de la loi du marché.

Nous avons déjà soutenu les mouvements de protestation concernant la réforme du statut de l’intermittence.

Nous avons déjà participé - et participerons encore - au soutien de projets artistiques menacés de disparition.

Il se dit qu’un ministère regroupera la culture et l’éducation. Nous pensons que cela, ajouté à la refonte de la Direction de la Musique et de la Danse, est une erreur et aura des conséquences néfastes pour l’exception culturelle française.

Nicolas Sarkozy a déclaré :

Mais je veux aussi que la culture soit faite pour le peuple.

Il sous-entend donc que la culture n’est pas faite pour le peuple. Or, la culture « faite pour le peuple », on connaît, on a déjà donné, non merci !

En ce qui concerne précisément les musiques actuelles, il a déclaré lors d’une rencontre sur ce sujet organisée par l’IRMA :

« Je vais peut-être vous décevoir, mais je ne comprends pas et je n’aime pas l’expression « musique actuelle » (…) Pour moi, les choses sont plus simples. Il y a les bonnes et les mauvaises musiques. Il y a les musiques qui durent et les musiques qu’on jette après usage. Le rôle de l’Etat et des autres collectivités publiques est d’éduquer les musiciens et les publics, de transmettre le patrimoine et de soutenir les projets créatifs qui leur semblent les plus prometteurs, quels que soient le genre et le courant musical. S’il faut parler de rééquilibrage, c’est entre les bonnes et les mauvaises musiques. Je reconnais que ce n’est pas simple en pratique, mais rien ne serait pire qu’une démission des élites dans cette recherche des vrais talents et des vraies valeurs : c’est en réalité une des principales justifications à l’existence d’un ministère de la Culture. »

Ceci préfigure donc la bipolarisation du monde musical : d’un côté la bonne musique, officielle, subventionnée, celle qui transmet les « vraies valeurs » et de l’autre la mauvaise musique, celle qu’on jette, celle qui n’est pas prometteuse, celle qui ne transmet pas de « vraies valeurs », la culture dégénérée…

De plus, dans la lignée de ces propos sur le « reformatage » des citoyens, il parle ici « d’éduquer les musiciens et les publics ». Nous attendons avec crainte l’application de cette nouvelle mission qu’il prétend confier à l’Etat et aux collectivités publiques.

Citizen Jazz restera un média libre de parole et d’action.
Nous surveillerons la nouvelle politique culturelle de près.
Parce que nous ne voulons pas d’art officiel.
Parce que nous ne savons pas « éduquer » les artistes et le public.
Parce que nous savons où mène la distinction entre bonne et mauvaise musique, entre art acceptable et art dégénéré.
Parce que nous savons à quel point l’action culturelle peut changer le cours de la vie.
Parce que nous savons que l’art est le dernier rempart contre la barbarie.
Parce que nous ne confondons jamais distraction et spectacle vivant.
Parce que nous ne pensons pas qu’un artiste doive être rentable.
Parce que nous ne consommons pas l’art.
Parce que nous ne voulons pas de frontières entre les artistes.
Parce que nous refusons de choisir par la discrimination positive tel ou tel musicien.
Parce que la musique fait « du bruit » et qu’elle doit continuer à en faire.

La Rédaction de Citizen Jazz