Chronique

Cruz Control

Le Comment du Pourquoi

Julie Dehaye (rhodes) ; François Lourtie (ts, ss), Jérôme Heiderscheidt (b), Jérôme Klein (dms)

Label / Distribution : Mogno

Jeune quartet belge formé il y a quelques années à l’occasion du Gaume Jazz Festival, Cruz Control signe avec Le comment du pourquoi un second album qui se place immédiatement sous le signe de l’électricité et d’un groove volubile. La claviériste Julie Dehaye, qui signe la plupart des morceaux, a été l’élève de Michel Massot au conservatoire de Liège, tout comme le saxophoniste François Lourtie. Voilà sans doute d’où vient ce goût pour les rythmiques impaires incandescentes. Le rôle du bassiste électrique Jérôme Heiderscheidt, dont le jeu âpre fait parfois plonger Cruz Control dans un funk cabossé, est pour beaucoup dans l’énergie d’ensemble.

A l’écoute de « Tsar Moktary » qui ouvre l’album dans un déluge, on se prend à chercher toutes les influences qui ont pu susciter un tel goût du mouvement. La relation très soudée entre Heiderscheidt et le batteur Jérôme Klein laisse entrevoir quelques pistes du côté d’Aka Moon. Il serait cependant réducteur de s’arrêter en si bon chemin. Bien sûr, sur « Sélim », entre autres, les phrases courtes et percutantes de Lourtie au ténor font songer à Fabrizio Cassol, mais aussi à toute une frange très contemporaine du jazz européen, du Kami Quintet à Kandinsky Effect. Parfois, à l’écoute d’un morceau comme « Parallèles », on songe aussi à la géométrie élégante des formations de Sylvain Cathala.

Dans le jeu de chacun, on remarque un goût évident pour les musiques électroniques ramenées à des desseins plus organiques, comme dans la rythmique lancinante d’« Automastic ». Ne souhaitant s’enfermer dans aucun carcan stylistique, le quartet s’offre des moments de rupture dans un registre finalement assez pop, où cette musique très écrite se mue en improvisation farouche (« Scat »). Bien que le propos de Cruz Control soit très collectif, le Rhodes de Julie Delhaye - l’excellente surprise de cet album - définit les couleurs. Il serait tentant dès lors de mentionner une teinte Seventies à la Weather Report, pour un album qui a avant tout l’agréable porosité de son époque. Et s’il faisait songer avant tout à du Cruz Control ?