Chronique

Cuong Vu 4-tet

Ballet

Cuong Vu (tp), Bill Frisell (g), Luke Bergman (b), Ted Poor (dms)

Label / Distribution : RareNoise Records

Le trompettiste Cuong Vu aime les guitaristes ; ou du moins, son jeu très atmosphérique, cherchant plus facilement l’espace que l’incise s’accommode à merveille avec l’électricité sous toutes ses formes. Il n’est pas rare d’ailleurs que la trompette s’amuse elle-même de l’écho et des franges légères de la saturation. Après Pat Metheny, compagnon depuis près de 15 ans qu’il a récemment invité avec son trio, voici Bill Frisell, dans une formule en quartet où l’on retrouve le fidèle batteur Ted Poor, lui aussi très concerné par le climat et l’espace qu’il aime offrir à ses compagnons (« Blue Comedy »). La rencontre avec Frisell est tout aussi ancienne, puisque en 2011, ils avaient enregistré It’s Mostly Residual dans une configuration similaire. Seul le contrebassiste a changé. Luke Bergman a remplacé Stomu Takeishi.

Ballet est consacré à la musique du compositeur Michael Gibbs, également tromboniste, qu’on peut notamment entendre dans les premiers disques de Mike Westbrook à l’orée des années 70 ou aux côtés de Gary Burton et Steve Swallow. Dans le cadre de son travail de pédagogue, Frisell a arrangé de nombreux morceaux de Gibbs pour grand orchestre, joués sous la direction de ce dernier. Le quartet constitue la seconde partie de ce spectacle, relecture libre d’une musique où bouillonne l’effervescence fusionnelle de la fin des années 60. Sur « Ballet » comme partout ailleurs, Cuong Vu et Frisell se complètent à merveille, bien propulsés par une base rythmique très en retrait mais disponible. Le guitariste définit les couleurs, qui font appel à une large palette que le trompettiste tempère (« Sweet Rain »).

L’album, sorti chez RareNoise Records qui nous avait habitués à des enregistrements plus acerbes, permet de juger de la richesse des partitions de Gibbs, sans pour autant se limiter à l’hommage. « And On The Third Day », titre emblématique du premier album du tromboniste, est une lente montée en puissance très bien menée par un Bill Frisell tout à son sujet qui sait distiller ce qu’il faut de tension pour conserver une sécheresse bienvenue dans un ensemble pourtant rempli de douceur. Ballet est le témoignage d’amitié porté par quatre musiciens à l’un de leurs pairs. Ils le font de la plus belle des manières : par le jeu et la recherche d’un langage commun.