Chronique

Cuong Vu Quartet

Change is in The Air

Cuong Vu (tp), Bill Frisell (g), Luke Bergman (b), Ted Poor (dms)

Label / Distribution : RareNoise Records

Formé à l’occasion de Ballet pour rendre hommage à Michael Gibbs, le quartet du trompettiste Cuong Vu, qui impressionne d’abord par le curriculum vitae de ses membres, se retrouve dans Change in The Air pour de nouvelles aventures. Le ton est donné, le changement c’est maintenant  : dans une ballade inaugurale, on goûte d’abord aux talents de mélodiste du leader. « All That’s Left of Me Is You » est composée par le batteur Ted Poor que l’on a connu plus incisif ; sans doute se réservait-il pour « Alive », un blues contondant où Bill Frisell se sent comme chez lui, bien soutenu par la batterie. C’est dans ce genre de configuration que l’orchestre donne le meilleur de lui-même, mais elles ne sont pas légion.

Les dix morceaux de ce nouvel album paru chez Rare Noise Records font la part belle à l’écriture des musiciens ; Cuong Vu signe un beau « Round and Round » très marqué par le jazz contemporain où la guitare de Frisell plus que jamais atmosphérique s’enlace avec la basse de Luke Bergman. L’intensité est forte, mais on ne retrouve pas dans cet échange la virulence de l’orchestre que le trompettiste partageait avec Pat Metheny. La mutation est là, dans la douceur et la complexité d’un quartet qui aime avant toute chose l’échange et l’écoute mutuelle. On ne s’étonnera pas dès lors que « Look, Listen », composition tout en retenue de Frisell, occupe une place de pivot dans un album qui s’avère très constant.

On écoute ce disque comme on contemple un beau tableau : la technique est là, remarquable lorsqu’elle prend le pas de la « March of The Owl and The Rat » écrite par Cuong Vu, où Ted Poor fait parler la poudre. La dynamique d’ensemble est impeccable, notamment entre guitare et batterie. Les couleurs sont harmonieuses et bien proportionnées, chaleureuses quand il le faut… On reste néanmoins assez étranger à une œuvre à la beauté formelle indéniable mais dont la joliesse a estompé la rugosité. Le changement ne se fait pas en un jour, et peut-être est-ce la transition nécessaire à une formation qui aime à se laisser du temps. Nous serions bien cruels de ne pas le lui accorder.