Chronique

DGSM

Things Left At The Ebb Tide / Hátrahagyott Dolgok, Apály Idején

Barnabás Dukay (p), István Grencsó (ts, bcl, fl), Tibor Szemzö (fl), Szilveszter Miklós (dms, perc)

Label / Distribution : Hunnia Records

Le jazz et la musique improvisée hongroise arrivent à nos oreilles par des canaux bien connus : Budapest Music Center d’abord, institution la plus visible. Pour ceux qui cherchent davantage, des labels tel Fonó ou Hungaroton sont des champs de découverte assez infinis. Il faut désormais compter aussi avec Hunnia Records, dont le catalogue a de quoi faire pâlir. Si l’on y dénombre, comme ici, l’incontournable multianchiste István Grencsó, on peut également dénicher quelques pépites, de Miklós Lukács notamment. Né d’une longue histoire en duo entre István Grencsó et le pianiste Barnabás Dukay, le quartet DGSM, acronyme de ses membres, constitue sans y toucher un remarquable condensé de l’épopée de la musique créative magyare de ces cinquante dernières années. Rien de moins.

Dans cette odyssée si marquée du jazz derrière le rideau de fer, « Csipetnyi Só » est archétypal. Le duo entre un pianiste et compositeur nourri par Liszt ou Varèse et un saxophoniste au souffle sablonneux qui syncrétise son bagage classique et la Great Black Music est à la fois spontané et scrupuleusement circonstancié. Ce quartet est d’ailleurs en parfait équilibre. Pour accompagner les omniprésents co-leaders, on retrouve cette même charnière entre musique écrite occidentale et improvisation farouche : le flûtiste Tibor Szemzö est un compositeur contemporain. Apôtre du désordre dans un morceau comme « Az Epítményeken Túl », il pousse Dukay à multiplier les clusters et les incursions dans le ventre du piano. L’autre compagnon est le fidèle Szilveszter Miklós, percussionniste instinctif qu’on a souvent pu entendre dans le István Grencsó Kollektíva. « Írott Kö », symbole de cette fusion naturelle est l’occasion d’apprécier la palette étendue du batteur, qui a récemment joué avec Peter Brötzmann

Hátrahagyott Dolgok Apály Idején, qu’on peut traduire par Les Choses laissées par la marée basse, est un disque très intime. Il raconte le lien fort, mâtiné parfois de traditions (« Holdárnyékban », en hommage à Yusef Lateef), des musiques savantes en Hongrie. Si Grencsó y apparaît moins vindicatif que dans ses propres orchestres, comme en témoigne la douceur peu commune de sa clarinette basse sur « Várni Visszafolytottan », Dukay est souverain dans sa manière d’apporter une forme d’élégance et de mystère, à l’instar de ce qu’il avait déjà proposé avec Gábor Gadó. Les sédiments délaissés par le roulement des vagues alimentent une musique riche et passionnante qui trouve dans « Még Soha Sem Láttalak » un final émouvant et bienvenu.