Chronique

Daniel Erdmann, Samuel Rohrer

10 Songs About Real Utopia

Daniel Erdmann (ts), Vincent Courtois (cello), Franl Möbus (g), Samuel Rohrer (perc)

Label / Distribution : Arjunamusic

Quartet à haute fusion : aucun musicien ne s’en échappe… Enchaînés comme les Dalton aux travaux forcés, ils creusent leur sillon unique à quatre voix. Vous voulez en capter un qu’un autre déjà vous rattrape. Comme si les égos avaient fondu en route, dans ce voyage sonore vers l’« utopie réelle », bel oxymore qui décrit assez cette musique inclassable. On dira que c’est courant dans le jazz depuis qu’il tend à se défaire de ses catégories fondatrices, historiques. Au prix de bien des velléités. Produire du nouveau peut s’avérer vain ; on ne peut transgresser les codes sans bien les connaître. Ces quatre-là y parviennent, non sans risques.

Je tiens Daniel Erdmann pour un des grands ténors de son temps. J’en dis autant de Vincent Courtois, côté violoncelle (qui reste un instrument rare dans la jazzosphère). Samuel Rohrer, percussions et Frank Möbus, guitare, complètent le tableau, à hauteur. C’est entendu, ce quartet est impeccable. Les musiciens se sont réparti les compositions, manière, encore, de fusionner. Ça culmine dès le premier morceau, « Song for Christophe S ». Le travail sur les harmoniques y est magnifique, annonçant la suite, tenue. Les instruments jouent parfois à contre-emploi, comme le sax à la rythmique, ou la rythmique à la mélodie. L’atmosphère relève du planant soutenu, sans céder à la facilité. Les tessitures parentes du ténor et du violoncelle enfantent des merveilles, d’autant plus que les sons demeurent bien nets – sortis tout frais des studios de La Buissonne.

Ce qu’on appelle un beau disque, emballage compris : il est signé François Schuiten, les bédéistes apprécieront – les autres aussi.