Portrait

Dannie Richmond

Le batteur expressionniste (15 déc 1935 - 15 mars 1988)


Il y a trente ans, disparaissait l’indispensable batteur de Charles Mingus.

Un soir d’été de 1956, au Pad, dans Greenwich Village, Charles Mingus joue avec son Workshop. Piquant une de ces crises dont il avait le secret, il s’écrie « Quand donc aurais-je un batteur capable de jouer vite ? ». Lou Donaldson, présent ce soir-là, rétorque « Le gamin peut ». Le gamin, c’est Dannie Richmond, il n’a que 21 ans et 6 mois de batterie. Mingus lui demande de le rejoindre sur scène, ce que Richmond fera dès lors pendant plus de deux décennies.

Plus qu’une collaboration, une amitié indéfectible unira les deux musiciens. « Dannie est devenu pour Mingus l’équivalent de Harry Carney pour Ellington, un ingrédient indispensable du « son Mingus », et un ami proche  » [1]. Richmond lui-même dira de Mingus : « C’était mon employeur, mon chef d’orchestre, mon conseiller, mon père un peu, mon frère, mon confident… on a pu dire qu’il m’a appris à jouer de la batterie. C’est exact d’une certaine façon. » [2]

J’ai fait le rêve cette nuit que mon batteur revenait

Entre 1971 et 1973, pourtant, le batteur prend l’air, du côté de la pop. Il joue aux côtés de Joe Cocker, Elton John et Mark Almond. Pendant ce temps Mingus tourne, un peu, avec d’autres batteurs, mais ne parvient pas à stabiliser une formation. En 1973, avec Don Pullen, Georges Adams, Ronald Hampton et Doug Hammond, un nouveau quintet prend vie, offrant de grandes possibilités, mais le contrebassiste veut Richmond. « J’ai fait le rêve cette nuit que mon batteur revenait » [3]. Il reviendra, et ne partira plus. Il continuera même à jouer la musique de Mingus après la mort de ce dernier. S’en suivra une longue collaboration avec Don Pullen et Georges Adams, jusqu’à ce qu’une crise cardiaque ne l’emporte, le 15 mars 1988.

Le style de Richmond se caractérise d’abord par son aptitude à jouer très vite, mais aussi par sa capacité à mélanger les rythmes, les tempos, à mêler le jazz de la nouvelle Orléans, du blues, du gospel, aux grooves explosifs du free-jazz. Réactif, soutenant la barque sur une musique torrentielle, dans un chaos toujours parfaitement organisé, il n’y eu aucun autre batteur capable de donner de telles pulsations à la musique du contrebassiste et à en saisir toutes les nuances. Les enregistrements du Workshop avant son arrivée en témoignent : sans lui, l’œuvre de Mingus n’aurait pas eu la même envergure.

par Raphaël Benoit // Publié le 15 mars 2018
P.-S. :

[1Brian Priestley, Mingus – A Critical Biography. London : Paladin, 1982, p.86

[2Stéphane Ollivier, Charles Mingus. Vade Retro, 1997, p.49.

[3Stéphane Ollivier, Charles Mingus. Vade Retro, 1997, p.93