Dave Liebman & Martial Solal

A ma gauche Dave Liebman, 71 ans, saxophoniste, américain, libre et insatiable ; à ma droite, Martial Solal, pianiste français, père de, légende vivante et bien plus encore, 90 ans aujourd’hui. Après une première rencontre lors d’un concert mémorable au Sunside en décembre 2015 pour le retour du pianiste sur scène, Solal et Liebman décident de se retrouver durant l’été qui suit. Intitulé (un peu pompeusement) Masters in Bordeaux, le disque est le rendu du concert qu’ils donnèrent au Château Guiraud, appellation Sauternes (premier grand cru classé labellisé bio, vous reprendrez bien un verre ?), dans le cadre du très sélect festival bordelais Jazz and Wine.

Le répertoire est uniquement composé de standards. Des incontournables (« All The Things You Are », « Night and Day », « Lover Man », « Solar »,…). C’est le type de morceaux idoine pour une rencontre improvisée. L’expression consacrée est d’ailleurs « on joue des standards ». Et c’est précisément ce que font Solal et Liebman. Ils jouent. Chacun à leur manière : Liebman, espiègle et sauvage ; Solal, aérien et lunaire. Ils n’ont pas passé l’âge. Ils jouent avec les partitions, les enjambent et les désagrègent pour mieux y revenir. Ils jouent avec les mélodies. Transforment les rythmes. Mélangent les harmonies. Ils jouent avec l’autre, suggérant des directions, un mouvement, comme autant de passes à rattraper au bond. Ils jouent avec les règles et les conventions dans un dialogue incessant. Ils jouent enfin avec le public, disséminant ici ou là quelques clins d’œil ou citations.

Tout le monde semble ravi. Et c’est vrai que ça a de la gueule, même si ça sent parfois un peu le réchauffé. Mais comment en tenir rigueur à de tels maîtres quand le plaisir qu’ils semblent éprouver en jouant et celui qu’ils procurent à l’assistance est immense. Et c’est peut-être là qu’il faut chercher le secret de leur extraordinaire longévité : s’amuser pour vivre éternellement.