Tribune

Dave Valentin (1952-2017)

Hommage au flûtiste portoricain par Michel Edelin


Michel Edelin, flûtiste, réagit à la disparition du flûtiste Dave Valentin, ce 8 mars 2017, par un petit texte d’anecdotes personnelles.

J’apprends avec tristesse la disparition de Dave Valentin.

Nous avions plusieurs fois joué ensemble : lorsque, à l’occasion d’une tournée en France et en Suisse il m’avait invité au sein de son groupe (Bill O’Connell, Oscar Stagnaro, Sammy Figueroa, Robby Ameen) et un peu plus tard quand, à mon tour, je l’avais invité.

Joyeux compagnon mais très rigoureux dans le travail, showman pétulant, il était admirable par la qualité du son qu’il tirait de sa flûte et surtout par sa science du placement rythmique (on n’oubliera pas qu’il a commencé une carrière précoce en tant que percussionniste, reniant les frappes à cause d’un béguin pour sa voisine flûtiste à qui, pour mieux l’approcher, il avait demandé de lui dispenser des cours. Il disait avoir perdu la fille, mais gardé la flûte).

Pendant cette tournée et après les concerts, il me faisait écouter des enregistrements de big bands cubains. Lorsque je lui demandais d’où venaient cette puissance et ce son remarquables, au lieu de me dire ce qui aurait été probablement la vérité – « j’ai beaucoup travaillé avec les meilleurs professeurs » - il me répondait : « C’est simple. Tu n’as pas d’amplification, tu te trouves en plein air au milieu d’un big band cubain entre un tromboniste et un trompettiste avec les percussions derrière toi… et là, tu te débrouilles pour qu’on t’entende ! »

Je me souviens de son humour à propos de son quartier : « Mais non, ce n’est pas dangereux le Bronx, la preuve : quand tu es au restaurant tu places ton sac entre tes genoux, tu serres très fort… et tout se passe bien ! »
De son amitié, de sa générosité : à la fin du dîner auquel nous l’avions convié, il a demandé à ma femme, à notre fils et à moi-même, de nous installer dans le canapé. Il s’est assis sur une chaise en face de nous et nous a offert un concert privé en solo, concluant « C’est ainsi que nous remercions les amis à Porto Rico ».

Il a enregistré plusieurs disques pour GRP. Le chiffre des ventes était plus qu’honorable, mais il ajoutait « J’aurais fait la même chose au sax, j’en vendais dix fois plus ! ».
Peut-être à cause de sa culture portoricaine qui imprégnait sa musique et plus sûrement de son association avec le label GRP, certains esprits qui n’ouvrent pas tous les jours lui reprocheront ce qu’ils prenaient pour de la « facilité » . Il s’agissait simplement de ce don particulier qu’il possédait : rendre facile à écouter une musique difficile à jouer.

Lorsqu’avec le quartet (François Couturier, François Méchali, Peter Gritz) nous l’avions attiré vers d’autres territoires musicaux, il avait exprimé sa double culture par un langage inventif et lumineux, emportant avec lui l’enthousiasme du public et des musiciens.
J’espère que ces quelques anecdotes témoigneront du talent et de l’humanité de Dave Valentin dont le nom restera probablement dans l’histoire de la flûte.

La meilleure façon de lui rendre hommage ne serait-elle pas d’écouter un de ses disques ?
Mon préféré : Live at the Blue Note et parmi les autres Kalahari et Two Amigos avec Herbie Mann (pour cette rencontre « historique »).

Michel Edelin

par // Publié le 19 mars 2017