Chronique

David Eskenazy Trio

Longing For Gravity

David Eskenazy (comp, b), Clément Griffault (p), Julien Grégoire (dm)

Label / Distribution : Ophélia

Presque quatre ans après son album From The Ancient World, le trio de David Eskenazy revient dans de nouveaux atours pour confirmer les qualités qu’il nous avait alors laissé entrevoir. Pour ne rien gâcher, l’enregistrement est estampillé Gérard de Haro et son éminent studio La Buissonne.

David Eskenazy est un musicien très polyvalent. Contrebassiste, compositeur, guitariste, chanteur, pédagogue ; il rayonne dans de nombreux domaines avec une tendance certaine à la réussite. Après des études d’écriture musicale classique dans sa prime jeunesse, il s’est pris pour la musique brésilienne d’une passion qui a laissé des empreintes dans de précédents disques (notamment dans Sors Par Là, paru en 2007). Longing For Gravity illustre aujourd’hui une identité forte et accomplie et dont les facettes sont innombrables. Le contrebassiste est désormais entouré par Julien Grégoire à la batterie, qu’on sent capable de tout dès les premières secondes. Ses oreilles sont son instrument de prédilection, et la moindre nuance explose sous ses baguettes avec une expressivité éclatante. Au piano, Clément Griffault recèle un nectar de sensibilité infinie. Dans une grande souplesse, il éveille tour à tour les mille et une émotions humaines comme un marionnettiste qui raconte le monde du bout des doigts. On notera son magnifique chorus dans « Tectonique Intérieure », morceau viscéral et dramatique dont les tourments sont mis en lumière par cette intervention.

Il y a un contraste entre le froid évoqué par les différents titres (« Vents d’En Haut », « Givres », ou encore « Bretagne »), et la chaleur rassurante qui fait vibrer nos tympans. David Eskenazy est habitué à cette orchestration à la fois minimaliste et essentielle : piano, contrebasse, batterie. Il montre ici qu’il maîtrise parfaitement son sujet, en exposant une écriture fine et riche dans l’harmonie ou dans le rythme. Certaines ambiances suggèrent les couleurs d’Avishai Cohen ou de Brad Mehldau.
Au milieu de ses compositions originales, Eskénazy reprend « Papaoutai » avec une volupté sortie de nulle part. Griffault livre un solo onctueusement enchevêtré dans le sujet, et appuyé avec grâce par le tandem basse – batterie. Le bouillonnement enfle et trouve sa dernière expiration, à bout de souffle, en estompant le retour au thème. Le format est court, comme un morceau de pop, et parvient à réconcilier les chroniqueurs les plus obtus avec la musique de Stromae…
« Le Royaume Enseveli » clôture avec une magie irrésistible. Un morceau de quatre minutes en plusieurs mouvements, dans lequel on entend bien plus que trois musiciens, bien plus que des appels du pied à la musique contemporaine ou à certains jazzmen européens. Bien plus que des traits d’humour cachés dans un passage déluré. On entend quelque chose de détendu et d’euphorique à la fois. Quelque chose de soulagé, peut-être. D’hédoniste, sûrement. Quoi qu’il en soit, c’est une ivresse contagieuse.