Portrait

David Haudrechy, le sax qui aimait écrire

Rencontre avec le leader d’Initiative H qui nous parle de sa musique et de celles qui l’inspirent. Et dieu sait s’il est inspiré.


Photo : Christophe Charpenel

Depuis quelques années, David Haudrechy s’est fait un nom avec Initiative H, une formation qui susurre le nom de son leader. Entre la glisse sous toutes ses formes (skate, snowboard et surf), les motos et, bien entendu, la musique, pointe une personnalité faite de passions.

On cueille David Haudrechy à Music Halle – il y est pour une AG d’Occijazz – et la conversation débute sur Initiative H. Faut dire que ce big band, monté en 2012, a permis l’émergence de ce saxophoniste sur la scène nationale. Il écrivait beaucoup de musiques, notamment pour de grandes formations mais elles n’étaient que de papier. Jusqu’au jour où, grand bien lui en a pris, Claire Suhubiette, sa compagne et enseignante en musicologie à l’Université Jean Jaurès, l’incite à créer un grand orchestre. Dès lors, il s’est jeté à 200% dans l’aventure. Deux albums plus tard – bientôt trois car le dernier né verra le jour au mois de mai prochain – la motivation est toujours entière. Heureusement d’ailleurs car la gestion de ce band de treize musiciens et un vidéaste n’est pas une mince affaire. Outre qu’il est difficile de faire programmer une grande formation, Initiative H comporte une bonne partie de la fine fleur de la scène toulousaine et nombre de ses membres ont un agenda bien chargé.

Initiative H par Christophe Charpenel

De fait, derrière une passion pour la glisse et les motos – il parle très volontiers de « fun » –, David Haudrechy est un fanatique de la musique qui mène sa barque avec une détermination sans faille. Une qualité qu’on retrouve également quand il coiffe sa casquette de prof. Une nécessité impérieuse puisqu’il enseigne à Music Halle, à l’ISDAT et au conservatoire de Montauban. « C’est un passionné qui a des connaissances encyclopédiques » dit de lui le saxophoniste Pierre Saunière qui a suivi ses cours. Et effectivement son parcours scolaire en témoigne car, après l’école de musique de Vesoul, où Jean-Marie Goux lui a notamment permis de rencontrer Archie Shepp, il s’est lancé bille en tête avec la certitude de celui qui sait ce qu’il veut faire : un cursus en F11 à Dijon puis Toulouse, tandis qu’il filait de temps en temps à Paris pour prendre des cours avec Jean-Charles Richard, Frédéric Borey ou encore Stéphane Guillaume. Et ce en compagnie d’Emile Parisien qui essuyait ses culottes sur les mêmes bancs. Suivront le conservatoire et la fac de musicologie au Mirail.

David Haudrechy par Christophe Charpenel

Quant aux groupes dans lesquels il a joué, ils tiennent sur les doigts d’une main. Haudrechy est du genre à aller à fond dans un projet. Il a commencé au début des années 2000 avec la Pink Connection, un nonette d’électro jazz qu’il menait avec le flûtiste Aurélien Borot et dont le déclencheur fut Gambit de Julien Lourau. Il a ensuite enchaîné avec un quartet dont le répertoire était fait d’un « jazz barré » en même temps que d’arrangements de pièces classiques. Car ses connaissances « encyclopédiques » vont au-delà du jazz et, quand on le sollicite sur ses goûts, il cite autant Gil Evans, Carla Bley que Debussy, Arvo Pärt ou encore Edvard Grieg. Des références qui mènent pour sûr du côté de l’écriture. D’ailleurs relever des phrases de sax c’est pour lui « faire le job, comme tout le monde ». Il relève systématiquement des cadences, des harmonies, des orchestrations. Bref, écrire est pour lui fondamental et on ne sera pas étonné d’apprendre qu’il a composé pour tous les groupes auxquels il a participé ou dans lesquels il est impliqué. On ajoutera en outre que l’écriture est chez lui étroitement associée une certaine idée de la beauté. Les mots « sensible » et « poésie » reviennent régulièrement. Ce sont notamment eux qui l’ont amené à inviter Vincent Artaud – pour lequel il a beaucoup d’admiration – sur le deuxième album d’Initiative H.

Et puis si David Haudrechy est très lié à Initiative H, il co-dirige un duo avec le pianiste Greg Aguilar. Une formation minimaliste au sein de laquelle il développe un jeu, au sax soprano exclusivement – la légende dit qu’il a vendu son ténor pour s’acheter quatre pneus neufs – tout en retenue. Il n’est guère intéressé par les saxophonistes héroïques et se sent plus proche de John Surman, Dave Liebman ou encore Charles Lloyd. Ce n’est guère surprenant de la part d’un aficionado des South Siders qui envisage la moto – plutôt les anciennes – comme le moyen de s’évader. On dirait que sa musique est cruising qu’on ne se tromperait pas.