Chronique

David Helbock Trio

Into The Mystic

David Helbock (p), Raphaël Preuschl (bass ukulele), Reinhold Schmölzer (dms)

Label / Distribution : ACT

Pour ne pas se méprendre, il faut bien comprendre pourquoi le nouveau disque du pianiste autrichien David Helbock est intitulé Into The Mystic. Ce n’est pas, comme on pourrait le croire de prime abord, parce qu’il délivre une musique atmosphérique ou introspective, mais parce que différents mythes ont inspiré les compositions ou incité au choix des relectures (John Williams, Beethoven, Thad Jones), le lien étant fait entre la dimension mystique des thèmes et ce quelque chose d’irrationnel qui saisit le musicien lorsqu’il commence à improviser, cette énergie intangible qui fait que la musique circule.

Il se trouve que les différents mythes évoqués ont inspiré à David Helbock et aux membres de son trio une musique plutôt ancrée dans le sol et basée sur un jeu collectif dynamique. Pourtant, l’écueil du trio qui joue la carte des montées en puissance automatiques est largement évité. On constate au contraire, au fil des morceaux, un renouvellement dans l’échange, dans l’échafaudage de la dynamique collective. C’est en premier lieu l’alternance puis la superposition de mises en tension et de grooves moelleux sur « The Soul » qui interpelle, le trio y trouvant un équilibre idéal tant en termes de déploiement qu’au niveau de la mise en valeur du son de chaque musicien. Une formule que le trio a la bonne idée de ne pas systématiser, proposant des plages plus sereines très réussies (à commencer par les variations autour du thème de « Star Wars » qui constituent une sorte de fil rouge de l’album) où des épisodes échevelés dont émane une fantaisie bienvenue.

On retrouve des modes de développements, dans la manière d’amener l’intensité et d’y cultiver le désordre, tout à fait caractéristiques des musiciens de cette génération, qui dans le sillage de trios faisant office de figures tutélaires, font transpirer leurs accointances avec les musiques dites populaires. Sans grosses ficelles, mais par petites touches, notamment par l’intermédiaire de la main gauche du pianiste qui place souvent des dynamiques rock discrètes, donnant parfois le sentiment qu’un guitariste va lancer un riff mais limitant cette caractéristique de jeu pour qu’elle demeure une épice et non une saveur dominante.

La rythmique, où l’on note l’emploi inhabituel du ukulele basse par Raphael Preuschl, propose un accompagnement mouvant et intense, avec de belles idées, beaucoup de sève et des nuances. Le « bassiste » et Reinhold Schmölzer contribuent largement au charme de ce disque, dont on surveillera les lendemains en souhaitant au trio de parvenir à cultiver sa singularité.