David Patrois Trio

Après ses expériences en quintet, David Patrois transforme sans peine son essai en prouvant que sa musique viscérale et enracinée se prête à merveille au triangle vibra - sax - batterie. Avec Flux Tendu, il met aussi bien en valeur sa plume que les qualités de ses acolytes. Chacun joue autant de mélodie que d’harmonie ou de rythme.

Évoquant nombre d’aventuriers célèbres, le disque s’ouvre avec le « Capitaine Achab » (à bord du baleinier qui cherchait Moby Dick). Se passant aisément de bassiste, c’est Jean-Charles Richard au sax qui trace la ligne de basse sur laquelle Patrois construit de son solo.
Tout est rythme. L’écriture est très complexe mais toujours pleine de danse. Elle semble évidente malgré ses mesures composées ou les nombreux changements de métriques.
Par exemple, « Le Cri de Rahan » offre un jeu de questions réponses d’une précision chirurgicale. Le morceau se termine sur un ostinato vibraphone /sax qui change sans cesse de mesure en alternant le 7 et le 6. Vient alors le solo de batterie virtuose de Luc Isenmann qui sous-tend les marquages mélodiques en les incluant tout naturellement dans son discours.

A une version courte et efficace de « In A Walked Bud » de Monk, qui va à l’essentiel, succède « Seven For Reggae ». Un reggae en sept temps, donc, dont la construction ferait passer l’impair pour un simple quatre temps.
Voilà ce qu’est la force impressionnante de Flux Tendu, une construction d’une logique irréprochable, triangulée de toutes parts par une écriture solide et parfaitement structurée. Cette architecture reste pourtant souple et n’a rien de figé. Elle laisse suffisamment d’espace pour accueillir le lyrisme et la sensibilité des instrumentistes - qui n’en manquent pas - c’est là la plus belle nuance entre mathématiques et musique.
Le disque se termine par « Héliophanie », ballade planante et pleine d’air, qui vient conclure cette leçon de rythme en suggérant à peine un groove aussi léger que puissant. A écouter d’urgence.