Scènes

David Sanchez au New Morning

le ténor portoricain était de passage à Paris.


David Sanchez Quintet. Paris. Le New Morning. Samedi 17 novembre 2001.

David Sanchez (ts), Miguel Zenon (as), Hans Glawischnig (b), Antonio Sanchez (d), Pernell Saturnino (perc).

Salle comble, attentive. Une rythmique qui propulse le son comme une vague à Hawaï. Et deux surfeurs de haute volée : Miguel Zenon qui la prend par la bande, s’y love, s’y faufile et David Sanchez qui l’attaque de front, la chevauche, la domine. Leur attitude sur scène révèle leur jeu. Miguel Zenon se déhanche, joue en zigzag, bifurque. Il volète tel Zénon l’ailé. David Sanchez joue torse droit, à bloc comme une icône de Saint John Coltrane. A part cette apparence, David Sanchez a manifestement été très marqué par Sonny Rollins. Il se l’est injecté en intraveineuse, irai-je même jusqu’à dire. Mais je n’y vois aucun mal.

Le groupe entama par le morceau le plus rapide du concert, « The power of the word », défi relevé qui marqua leurs intentions. Le groupe était à Paris pour défendre son nouvel album, « Travesia », sans piano. Ca allait chauffer et ça chauffa.

La ballade qui suivit me rassura.Ces jeunes gens ont du vécu et savent nous raconter des histoires. Mais là, seul Sanchez jouait. C’est lui seul le patron du navire, par temps calme ou par tempête.
« La Maquina » en quintette renouvela cette impression de puissance, de virilité dégagée par le groupe avec deux tempéraments plus féminins, le contrebassiste et l’altiste. « Carola’s changes » fut le premier morceau de David Sanchez joué ce soir-là. Cette femme doit avoir un caractère proche de celui de la cousine Mary vu l’aspect tumultueux de cette oeuvre.

Après la pause, un morceau du meilleur groupe de Miles Davis, celui qu’il tint avec Wayne Shorter, Herbie Hancock, Ron Carter et Tony Williams de 1964 à 1967. Ne serait ce point « Footprints » ? Cette musique, 35 ans après, reste d’une immarcescible beauté, d’une inépuisable richesse pour les interprètes, s’ils sont capables de s’élever à sa hauteur. Ceux là, assurément, le sont.

La pièce suivante nous valut un beau duo de saxophones où David Sanchez, tout en dominant les débats, laissa son altiste s’exprimer librement, dans un registre fort différent du sien, ouverture d’esprit toujours appréciable chez un leader.

Alors vint une ballade crépusculaire, sans alto, hantée par le dialogue entre la contrebasse jouée à l’archet et le saxophone ténor, dont on a souvent dit, surtout pour Sonny Rollins, qu’il sonne comme un violoncelle. Ces musiciens savent ce qu’il faut jouer. Pas de fioritures inutiles comme James Carter, par exemple. Pour nous réveiller, après ce voyage vers le pays où l’on n’arrive jamais, une course poursuite dans les rues de New York City jouée par le quintette. Je n’avais pas entendu quelque chose de ce genre depuis la rencontre de Hal Singer avec Steve Potts sur la scène des 7 Lézards. C’est tout bon. Le percussionniste concluait dans un beau solo muy caliente lorsque nous dûmes partir, autour de minuit, pour ne pas rater le train de banlieue.