Chronique

Dean Martin / Harry Belafonte

Jean-C. Denis et Charles Berberian

Label / Distribution : Nocturne

Encore deux albums bien tournés qui complètent la galerie de portraits de cette collection de BD musicales chez Nocturne. Outre l’excellente qualité des graphismes, la sélection soignée des titres [1], leur mérite est de nous faire (re)découvrir deux chanteurs de légende un peu oubliés aujourd’hui.

Charles Berberian s’est attaché à rendre l’histoire de Dino Paul Crocetti, qui ne parla pas un mot d’anglais avant ses 5 ans. Il allait rattraper son retard et devenir l’un des plus grands chanteurs de charme italo-américains. Dean Martin, compère de Jerry Lewis pendant dix ans de 1946 à 1956, présentateur du Dean Martin Show de 1965 à 1974, membre éminent du « rat pack » de Frank Sinatra au Sands de Las Vegas, fut « l’Américain modèle des années cinquante, synthèse parfaite entre Frank le crooner et Elvis le rocker ». Il fut aussi un acteur remarqué dans des rôles qui n’étaient peut-être pas de composition, comme Dude, le shérif alcoolique de Rio Bravo, ou l’émouvant loser, joueur vieillissant, dirigé par le grand Vincente Minnelli dans le flamboyant Some Came Running aux côtés de Shirley McLaine et Frank Sinatra. La sélection musicale suit sa carrière de 1944 à 1955 sur le premier CD (extraits du Bob Hope Show ou Martin Lewis Show), et de 1950 à 1958 sur le second. On découvre des pépites rares, par exemple quand Dean Martin chante avec Peggy Lee, avec Nat King Cole pour les disques Capitol, ou avec les orchestres de Nelson Riddle. Non, le Martini (sa boisson préférée) n’a pas été baptisé en son honneur. Mais ce buveur - et fumeur - invétéré jouait d’une décontraction et d’une distinction naturelles… très travaillées. Élégance pas seulement vestimentaire d’ailleurs, puisqu’il refusa de se produire dans des salles ou des casinos interdits aux Noirs, ce qui était très rare à l’époque.

Quoi de plus naturel, donc, que d’évoquer, en cette année d’élection de Barack Obama, premier président noir des États-Unis, Harry Belafonte, figure emblématique de la lutte pour l’égalité des droits civiques aux U.S.A. ? Il est, avec le comédien Sydney Poitier, l’un des Noirs les plus médiatisés de l’époque. La BD - très soignée - raconte avec précision comment Belafonte devint le meilleur ambassadeur du Calypso, musique des Caraïbes, sans avoir recours aux clichés habituels du genre. On découve à l’écoute des deux CD les tubes de l’âge d’or trinidadien qu’il réarrangea à la sauce jazz : « Banana Boat Song », un des chants de travail des esclaves de la Jamaïque, « Jamaïca Farewell », « Matilda », « Island in the Sun »…

Simples et précis dans leur composition, de belle facture, composés d’illustrations claires et de textes détaillés, ces albums sont très réussis. On les saisit, on les feuillette, on les écoute, tout en apprenant l’histoire de ces « entertainers » d’Hollywood, chanteurs-acteurs doués, artistes complets.

par Sophie Chambon // Publié le 29 décembre 2008

[1Par les auteurs eux-mêmes, qui connaissent leur sujet sur le bout des doigts.