Chronique

Dee Alexander

Songs My Mother Loves

Miguel Delacerna (p), Harrison Bankhead (cb), Yussef Ernie Adams (d). Avec Tomeka Reid (violoncelle), Scott Hesse (g), Junius Paul (b), Ari Brown (ts), Oliver Lake (as), Corey Wilkes (tp).

Label / Distribution : BluJazz/Socadisc

Un bon blues plein de soul, « As Long As You’re Living », dont l’interprétation aurait ravi Horace Silver, et nous voilà embarqués avec Dee Alexander. Le génial pianiste fut l’auteur, en 1964, de l’immense « Song For My Father ». Quelque cinquante ans plus tard, la chanteuse de Chicago enregistre les songs que lui chantait sa mère lorsqu’elle était enfant. On sait aussitôt qu’on va écouter un excellent disque de jazz vocal. Un de ceux qu’on réécoute sans fin - ou sans faim -, presque malgré soi. Promesse tenue avec « Now Or Never », encore un blues. Dee pare même de sa grâce des scies telles que « Perdido » (il y en a deux versions ici !), « Nature Boy » ou « What A Difference A Day Makes »). Elle est à l’aise dans tous les registres, descend très bas et n’oublie pas de monter avec la même aisance (vraie performance sur « Lonesome Lover »). Ça groove même sur les tempos lents et le trio qui l’entoure est absolument parfait. Pas une faute de goût ni un hors-piste ici.

Que de chemin parcouru depuis ses débuts, en 2009 (déjà avec Miguel Delacerna et Harrison Bankhead) ! Certains en étaient tombés à la renverse. Il faut dire que la chanteuse, dont la carrière a commencé aux côtés de Henry Huff (un des fondateurs de l’AACM) a de quoi impressionner par sa puissance, sa suavité, son aisance. Toutefois, les moments d’excellence étaient autrefois un peu gâchés par un manque de justesse dans les aigus, un certain maniérisme et un timbre presque métallique, parfois. Rien de tel ici où tout est maîtrisé de A à Z. Le répertoire n’est pas aventureux, mais Dee Alexander interprète ces standards avec un allant formidable, une fraîcheur qui en repousse d’autant la date limite de consommation. Elle leur délivre même un « bon pour l’éternité ».