Chronique

Denis Eberhard Weber

Encore

Eberhard Weber (b, kb), Ack Van Rooyen (bugle).

Label / Distribution : ECM

Encore succède à Résumé (2011). Sous deux vocables bien de chez nous se dessine une quête magnifique, courageuse, dans l’ordre de la résilience (mais attention, il ne s’agit en aucun cas de considérer la musique depuis un autre point de vue qu’elle-même).

Car Encore, par quelque bout qu’on le prenne, est une pleine réussite. Rappeler qu’Eberhard Weber, suite à un accident vasculaire cérébral en 2007, convoque devant le présent ses soli donnés en bis dans 13 villes d’Europe de 1990 à 2007 ne sert qu’à mettre en avant le concept de revisitation de soi, d’introspection, d’approfondissement de l’acte artistique sans filet.

On parlera d’esquisses (durée moyenne des titres : 3 minutes 48 secondes). L’improvisation se re-compose grâce à quelques touches d’arrangements discrets (où des samples de clarinette, cordes, batterie, marimba, bandonéon, flûte traversière saupoudrent de loin en loin la cuisine de l’ange) et avec la complicité, sur six titres, du bugliste Ack Van Rooyen : ce sonneur souverain (85 ans et frais comme un gardon) nous avait déjà enthousiasmés il y a plus de 40 ans dans le premier album de Weber chez ECM, The Colours of Chloë.

Symboliquement, les bis plutôt courts qui fermèrent en leur temps la rose des concerts viennent couvrir de rosée - juste retour des choses, aujourd’hui - tous les matins du monde. Tour à tour nostalgique, tendrement fataliste, abyssale et marine, prompte à l’espagnolade subtile, déroulant qui une marche funèbre sur des sentiers straussiens (Richard), qui quelque cavalcade ouïghour étrangement grattée à cru sur krar abyssinien, bruitiste ou percussive, toujours d’un mélodisme natif lancé à pleine chanterelle, toujours d’une gutturalité nordique en son trousseau de clés de fa, la contrebasse d’Eberhard nous emmène loin, loin, haut, ailleurs, parfois jusqu’au nid des baleines…

L’humanisme de cette musique fait oublier un temps (un temps pour poser la fureur) l’Histoire saccageuse, l’irrespect culturel, toutes les ignominies de la liquidation d’autrui et de ses traces.

Dans ce havre humble aux phrasés sans cesse renouvelés, on croit pouvoir saisir des clins d’œil, des hommages - conscients, involontaires ? - à d’autres frères, vivants ou vifs, de la fière lignée de grand-mère : Charlie Haden, Henri Texier…

Sur le plongeoir de la contemplation, en toute générosité, deux mains en porte-voix clament un welcome appuyé.