Chronique

Denny Zeitlin

Labyrinth

Denny Zeitlin (p)

Label / Distribution : SunnySide Records

Né à Chicago en 1938 mais résident de la côte Ouest depuis 1964, psychiatre et professeur de psychiatrie à San Francisco, Denny Zeitlin fait partie de ces très rares musiciens à n’avoir enregistré quasiment que sous leur nom. On lui connaît une participation comme sideman auprès de Jeremy Steig en tout début de carrière, et c’est à peu près tout. Il divise lui-même sa vie musicale en trois périodes : la première (1963-1968) le voit s’exprimer en trio. Il est alors enregistré par Columbia ou CBS, est accompagné par Charlie Haden (b) et Jerry Granelli (dm), et c’est à ce moment qu’il connaît ses plus grands succès, au point que son disque Live At The Trident atteint de belles ventes en Europe. On peut trouver cette époque très bien décrite dans le triple CD paru récemment chez Mosaic Records dans la série « Mosaic Select ». Ajoutons pour mieux le situer qu’il fut encouragé dès ses débuts par Bill Evans, avec lequel il partage quelques traits stylistiques.

Entre 1968 et 1978 il plonge dans la modernité du moment et expérimente une musique à base de claviers électroniques et de synthétiseurs. Il disparaît alors de nos platines – de toutes façons il n’a guère quitté la côte Ouest puisqu’il a toujours mené de front ses deux carrières de médecin et de musicien – et ne reparaît que très confidentiellement à partir des années 80, lorsqu’il revient à une pratique acoustique pure. L’essentiel de sa production se fait depuis en duo, avec Charlie Haden encore en 1992 pour un superbe Time Remembers One Time Once (ECM), ou avec David Friesen. Le reste consiste en de très nombreux solos, si l’on excepte un assez récent et passionnant trio avec Buster Willimams et Matt Wilson.

Dans le disque qui nous occupe ici, il reprend avec une belle résolution et une technique superlative un certain nombre de thèmes illustres, de « Footprints » à « Dancing In The Dark » en passant par « Sail Away » (de Tom Harrell), « People Will Say We’re In Love » et son original « Labyrinth ». Compositeur également, donc, on connaît une belle reprise de son « Repeat » par Géraldine Laurent (Time Out Trio).

Personnellement, je préfère d’assez loin ses disques en duo ou en trio. Il me semble que le dialogue convient mieux à son art, et que la relance d’un partenaire (surtout quand il a nom Charlie Haden) donne une profondeur à la musique qu’on ne retrouve pas dans l’exercice du solo. Je pense d’ailleurs (voilà que je me mets à penser maintenant !), pour avoir assisté depuis dix ans à de (trop) nombreux solos (de piano en particulier), que l’épreuve de la solitude absolue est finalement très difficile, et que rares sont ceux (et celles) qui parviennent à développer des idées à la fois neuves et cohérentes sur cinquante minutes de concert. Enregistré « live » face à une assistance réduite, ce récital est néanmoins tout à fait agréable, et plaira à ceux qui aiment les effets de « grand piano ».