Chronique

Dhafer Youssef

Sounds of Mirror

Dhafer Youssef (oud, voc), Zakhir Hussain (perc.), Eivind Aarset (g), Husnu Senlendirici (cl)

Label / Distribution : Anteprima

Voilà plus de vingt ans que Dhafer Youssef multiplie les collaborations, mêle son oud et sa voix aux sonorités du monde. Après le génial Diwan of Beauty and Odd, le musicien revient avec un disque à l’esthétique tout à fait différente, qu’il considère comme la continuité d’un autre album, Birds Requiem. Une étape de plus d’une carrière imprévisible.

À l’occasion de cette nouvelle page musicale, le oudiste chanteur a convié Zakir Hussein, percussionniste indien, qu’il ne voit pas seulement comme un joueur de tablas, mais comme un personnage vocal à travers ses percussions. Le disque avait d’ailleurs initialement vocation à lui rendre hommage. Il devait en être le centre. L’arrivée du clarinettiste turque Husnu Senlendirici est venue affiner davantage la couleur de ces 12 titres, dont l’enregistrement a débuté à Bombay. Puis c’est à Istanbul, rejoint par le fidèle Eivind Aarset, que la musique a pris cette tournure plus universelle, et que la magie qui émane de ce quatuor a émergé, échappant quelque peu à son initiateur.

Pour Dhafer Youssef, les collaborations ne sont pas que musicales. Il ne joue pas avec des musiciens, mais avec des personnalités, qui le touchent et qui entrent dans ce qu’il appelle sa famille, pour toujours. Il recherche une connivence, une complicité, un langage commun, au-delà des frontières. C’est réellement le cas pour ce quartet, dans lequel il prétend voir quatre âmes sœurs qui se reflètent. Et c’est le sens du titre de cet album. « Parler avec Zakir, Eivind ou Husnu, c’est comme être devant un miroir, nous sommes identiques ».

Méditatif, spirituel, fragile, Sounds of Mirror est un trésor de sensations, il offre un moment d’évasion par une musique légère comme l’air qui la constitue. Par des rythmiques aux temps impairs, des mesures composées en 13/8, les mélodies sont comme décloisonnées. Le compositeur compare ce groove à notre façon de marcher (nous ne marchons pas en 4/4 !), c’est ce qu’il cherche à traduire dans sa musique, qu’il ne distingue jamais de la vie.

Dans ce groupe, les traditions indiennes, tunisiennes, turques, empruntent les voies du jazz et se connectent pour créer un matériau neuf, non pas une musique traditionnelle mais bien expérimentale et nouvelle. Un ravissement.