Scènes

Dinan-Washington

Concert de rentrée à l’Ecole de Création Musicale d’Eric Le Lann, Dinan, 29 octobre 2003 - Théâtre des Jacobins


Il y a quelque temps j’avais rencontré Eric Le Lann dans son Ecole de Création Musicale d’Ille-et-Vilaine, en Bretagne lien avec l’article. Pour fêter l’ouverture des nouveaux locaux, un concert spécial a lieu le mercredi 29 octobre 2003 au Théâtre des Jacobins.
En première partie, le duo Eric Le Lann (trompette)/Cesarius Alvim (piano). Puis vient le trio Sud (Sylvain Luc, guitare électro acoustique, Jean-Marc Jafet, guitare basse électrique, André Ceccarelli, batterie).

J’avais entendu une première fois Eric Le Lann en duo avec un pianiste : il s’agissait de Michel Graillier et c’était au Petit Opportun, à Paris ; nous n’étions qu’une vingtaine de happy few. L’album studio 3h du matin ne donne qu’un faible aperçu de l’émotion qu’ils dégageaient en concert.
La deuxième fois, c’était avec Martial Solal au Duc des Lombards, toujours à Paris. Grandiose ! Solal était à lui seul l’orchestre et le soliste. Un enregistrement « live in concert » au festival Jazz de Vannes de 1999 en donne une idée aux malheureux qui n’ont jamais entendu ce somptueux duo.
Cette fois-ci, au Théâtre des Jacobins de Dinan, Le Lann se présente avec un ami fidèle, le pianiste et contrebassiste brésilien Cesarius Alvim.
Les ombres tutélaires de Michel Graillier et de Chet Baker planent sur ce concert. L’émotion est telle que, comme au concert classique, on n’applaudit pas après le solo mais à la fin de chaque morceau. Peut-être parce que le public des Jacobins de Dinan est plus habitué à la musique de chambre qu’au jazz intimiste, mais je veux croire que c’est aussi par respect, et pour n’en pas perdre une seule note.
Le duo ne joue que des standards : « Round Midnight », « Body and Soul », « My Funny Valentine » avec un bien étrange exposé du thème, « Lover Man. » En rappel, Le Lann lance un : « Que reste t-il de nos amours ? » à tomber raide. Qui mieux que lui a su percevoir l’infinie tristesse qui se cache derrière l’apparente gaieté des chansons de Trénet ?

En revanche, le trio Sud me laisse froid.

En rappel, duo Luc/Le Lann. Le Lann avec ses imperfections, ses tâtonnements, ses brisures, ses fêlures, ajoute aussitôt une densité émotionnelle qui manque à la technique lisse et sans faille de Sylvain Luc. La pluie tambourine si fort sur le toit que les duettistes s’y adaptent, changeant le rythme du morceau pour suivre celui de la pluie qui fait des claquettes sur le trottoir à minuit. Un pur instant de magie blanche. Le trio Sud revient ensuite accompagner Le Lann sur le « Fooprints » de Wayne Shorter (Miles Smiles, 1966), impeccable.

par Guillaume Lagrée // Publié le 20 février 2004
P.-S. :

Prochaine étape : une visite à l’Ecole de Le Lann dans ses nouveaux locaux, en attendant un prochain festival de Jazz à Dinan, sur les bords de la Rance.