Chronique

Dmitry Baevsky Jeb Patton

We Two

Dmitry Baevsky (as), Jeb Patton (p)

Label / Distribution : Jazz&People

Depuis les duos de Lee Konitz avec Dan Tepfer, cela faisait plus d’une paire d’années que l’on n’avait pas entendu un tel déferlement de bonne musique issu d’une telle configuration. De fait, adjoindre la tessiture d’un saxophone alto, que l’on présume à tort comme le plus commun de la famille, à l’instrument orchestral suprême, le piano, n’a rien d’évident. Dmitry Baevsky et Jeb Patton font pourtant tout pour rendre cette rencontre naturelle.

Baevsky, quadragénaire new-yorkais né en Russie, incarne une tradition jazzistique trempée dans le meilleur du bop et, partant, dans le jeu de saxophone ténor tel que pouvait l’envisager un Lester Young, projetant dans l’instrument à la fois tendresse et violence, essence et existence Même ses phrases les plus longues ne sont pas bavardes : elles deviennent à ce point accessibles qu’on ne peut que s’essayer à les chanter.

Au détour d’un relais avec le pianiste Jeb Patton, avec qui il s’exprime souvent dans les clubs de la Grosse Pomme et d’ailleurs, on peut quasiment toucher du doigt la complicité des deux musiciens. Des thèmes interprétés avec beaucoup d’humour et de tendresse, des codas qui vont jusqu’au bout du son : autant d’offrandes au jazz, comme il se doit. Les standards choisis pour cet art suprême de la conversation relèvent d’ailleurs d’un répertoire peu usité, mais puisé aux sources les plus claires, qu’il s’agisse de « Swinging The Samba » d’Horace Silver à l’entame de l’album ou de « The Serpent’s Tooth » de Jimmy Heath, référence ultime de Baevsky.

Bien évidemment, le tout est enrobé d’une pulsation swing envoûtante, dont la seule composition du saxophoniste ici présente, « Something For Sonny » (Rollins, qui d’autre ?), est une parfaite illustration. Quant à l’enregistrement, réalisé au studio Gil Evans à Amiens, il donne à ressentir une authenticité dont on se doute qu’il s’agira toujours d’une quête, ce qui augure d’autres pépites du même acabit à venir.